Bonus participatif : Quelle différence entre le « participatif » et la « participation locale » ?

Le gouvernement a décidé de favoriser financièrement les projets de production d'énergie renouvelable qui déploient des efforts pour associer les acteurs locaux. Un bonus dit "participatif" bienvenu, mais qui suscite des convoitises...
Les objectifs nationaux en matière de transition énergétique impliquent une forte multiplication des installations de production d’énergie renouvelable qui nécessitent par conséquent des sources de financement supplémentaires, dont l’épargne des Français. Par ailleurs, pour garantir une acceptation de ces projets et offrir aux territoires concernés la juste part des fruits de leurs ressources, la loi de transition énergétique votée en août 2015 a reconnu l’importance d’associer les habitants et les collectivités, et de déployer des outils pour favoriser ces projets.
Concrètement, cette faveur a pris la forme d’un bonus dit “participatif” dans les appels d’offres de la commission de régulation de l’énergie (CRE). Alors que l’intention politique est claire, cette dénomination crée la confusion.
Et la CRE créa le bonus…
En théorie, ce bonus devrait inciter au financement direct des projets mais surtout compenser les efforts supplémentaires de pédagogie et d’animation territoriale nécessaires à la bonne compréhension et participation active des habitants et collectivités à la gouvernance.
Dans la réalité, il accorde un coup de pouce financier avantageux pour lequel il n’est exigé à ce jour que peu de contreparties au regard de sa vocation. En l’occurrence, les conditions fixées dans ces premiers appels d’offre sont les suivantes :
- 40% des fonds propres ou 40% du financement total doivent être levés conjointement ou distinctement auprès de 20 investisseurs (personnes physiques, ou collectivités territoriales ou groupement de collectivités). Dans le cas de personnes physiques, celles-ci doivent résider dans le département du projet ou limitrophe.
- Les investisseurs doivent être engagés à la mise en service du projet et pour un minimum de 3 ans
Si ces conditions sont respectées, le projet se voit accorder pour 20 ans un bonus de 3 à 5 € par MWh. En revanche, si le projet est retenu mais que ces conditions ne sont pas réunies, le bonus se transforme en malus de 3€ (le flou demeure sur les modalités de contrôle et la régulation des abus).
Selon le projet, une prime de 3€ par MWh peut représenter jusqu’à 5% de chiffre d’affaire en plus pendant 20 ans. Dans un contexte de diminution des marges inhérent aux enchères, il est difficile d’éviter l’afflux de projets se disant participatifs.
Un engouement en trompe-l’oeil
Et cela n’a pas manqué. L’appel d’offres CRE 4, lancé en août 2016, concernait les centrales au sol de grande puissance et intégrait cette carotte participative. La CRE a finalement retenu 79 lauréats pour un volume total de 500 MW pour la 1ère vague. Sans grande surprise, 60% de ces projets avaient coché la case “participatif”.
Un an plus tard, alors que les lauréats en sont au stade du développement ou de la construction, aucun de ces projets n’a encore lancé de recherche de fonds auprès des territoires concernés. Le mystère reste entier sur la manière dont ils comptent rassembler ces participations locales :
Plusieurs solutions s’offrent à eux :
- Nouer des partenariats avec les collectivités locales ou SEM pour les impliquer dans le projet. Mécaniquement, celles-ci sont en position de force pour négocier de bonnes conditions et une bonne place dans la gouvernance et ne pas se contenter d’un rôle de quota.
- Solliciter des fonds régionaux ou nationaux spécialisés dans le financement de projets citoyens comme Énergie Partagée, qui s’appuie sur un réseau pour accompagner les dynamiques d’animation.
- Avoir recours aux plates-formes de financement participatif, aujourd’hui spécialisées sur la levée de fonds en dette, qui tentent d’adapter leurs offres pour correspondre à cette nouvelle donne.
Confusion entre financement participatif et participation locale
Suite au résultats de CRE4 faisant apparaître de nombreux projets participatifs, les plates-formes de financement participatif se sont rapidement réjouies, voyant dans ce bonus le moyen de proposer davantage de projets. Étonnement, un an plus tard, ces mêmes plates-formes jugent les exigences du bonus trop contraignantes et redoutent un “coup d’arrêt brutal” de la filière. Selon Financement Participatif France, “les développeurs et industriels du secteur ne seront pas en mesure de respecter les conditions posées par les cahiers des charges, avec un impact très significatif sur le TRI des projets, fragilisant leur développement”.
L’appréhension des acteurs du financement participatif est compréhensible et peut s’expliquer par une regrettable confusion sémantique entretenue depuis le début des discussions : ces plates-formes sont des spécialistes du financement participatif numérique et non de la participation locale.
Or c’est bien d’une animation territoriale physique dont ces projets ont besoin pour associer les collectivités, informer les riverains, écouter et lever les craintes, mobiliser les habitants et leur épargne… C’est bien là l’objectif initial de l’octroi de ce bonus que de créer un cadre incitatif à la participation des acteurs locaux, dans le but d’irriguer le tissu économique local.
De même, cette participation doit s’accompagner d’un partage des voix dans la gouvernance du projet pour définir ensemble ses conditions d’implantation, maximiser les retombées pour le territoire et décider de leur utilisation. Là aussi, des doutes subsistent quant à la capacité des spécialistes du financement participatif à garantir une représentation constante et indépendante des acteurs locaux.
L’énergie participative dure 3 ans ?
Ces premiers appels d’offre ont eu le mérite de poser et tester des critères sur le niveau de la participation financière, la localisation géographique et la temporalité de cette participation. Néanmoins, la durée de l’engagement local, borné au minimum à 3 ans est une énigme qui contredit l’effort d’implication sur le long terme du territoire.
Pourquoi cette durée ? Pourquoi considérer qu’un projet ne doit s’ouvrir à la participation qu’à son démarrage ? Le contrat d’achat de l’électricité dure pourtant 15 à 20 ans selon les techniques et les années d’exploitation ne sont pas les plus risquées. Les participations locales seraient-elles une simple caution pour obtenir le bonus ?
Que se passe t-il à partir de la 3ème année ? Ces habitants sont-ils remerciés et priés de laisser leur place à des acteurs plus gourmands ? Prioritairement, ce critère doit être modifié pour prendre en compte l’importance d’une relation à long terme entre le projet et le territoire.
Certes, la participation financière locale est une modalité nécessaire qui concourt à trouver de nouveaux financement pour la transition, mais elle ne peut s’y limiter. Sans participation active et physique du territoire à l’animation et à la gouvernance de ces projets, l’implication des citoyens reste digitale et ne permet en rien de faire levier vers une dynamique collective de transition énergétique sur le long terme.
Ce travail d’animation, long, complexe et spécifique à chaque territoire nécessite du temps et des moyens sur le long terme et justifie pleinement ce bonus.