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Assurer des modèles économiques viables partout en France

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Les mécanismes de soutien (tarifs d’obligation d’achat et appels d’offres) ne tiennent aucun compte des disparités de potentiel entre les territoires, ce qui génère des déséquilibres forts entre les territoires.

Des différences de potentiel très forte entre les territoires

L’exemple du solaire est particulièrement frappant : tous les Plans-Climat-Air-Énergie élaborés en réponse à des obligations légales par les collectivités locales, quelle que soit leur localisation géographique, intègrent dans leurs objectifs un volume significatif de production d’électricité solaire photovoltaïque qui s’avère être, de fait, un « incontournable » des politiques locales de transition énergétique. Pour autant, les mécanismes de soutien (tarifs d’obligation d’achat et appels d’offres) ne tiennent aucun compte du différentiel d’ensoleillement entre régions françaises qui, cas unique en Europe, est proche de 1 à 2 entre Lille et Perpignan, ce qui crée une distorsion entre territoires pour ce qui est des moyens à leur disposition pour à atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés et sur lesquels ils se sont engagés.

De par leur surface financière et de par la forte puissance et le grand nombre des projets qu’ils développent, les grands opérateurs énergétiques ont la capacité de compenser l’écart de rentabilité correspondant, de telle sorte qu’il peut sembler inutile, par exemple au regard des résultats des appels d’offres, de mettre en place une forme ou une autre de modulation géographique des systèmes de soutien. Néanmoins, la répartition réelle des puissances photovoltaïques installées montre que cela ne suffit pas, et de loin, à combler l’écart entre régions méridionales et septentrionales : ainsi, à population équivalente, l’écart de puissance installée fin 2019 entre les Hauts-de-France et l’Occitanie était d’un facteur 12 alors que le différentiel d’ensoleillement est d’un facteur de 1,8 environ.

Les premiers à pâtir de cette situation sont les projets citoyens et publics qui se caractérisent par un ancrage territorial fort et une taille souvent modeste qui deviennent des handicaps alors qu’ils devraient être considérés comme des atouts pour une transition énergétique juste et partagée.

Au-delà de cette inégalité territoriale pour l’atteinte des objectifs qui mérite d’être au moins partiellement compensée, cet état de fait a pour conséquences néfastes une désoptimisation globale à la fois des surfaces disponibles sans concurrence d’usage : pour le photovoltaique, spéculation foncière au Sud, friches en déshérence au Nord et pour l’éolien, forte concentration des projets dans certaines régions qui vient contribuer à l’opposition croissante de la population alors que certains territoires n’arrivent toujours pas à “attirer” les projets.

 

Qui n’aident pas la France à combler son retard

Depuis la 1ère directive européenne sur les énergies renouvelables de 2001 la France n’a jamais respecté les objectifs de développement des énergies renouvelables qu’elle s’était fixés (pour 2010, 2018 ou 2020). La France accuse un retard important dans le développement des énergies renouvelables et de récupération et est à fin 2019 le pays européen le plus en retard par rapport à son objectif européen 2020 (23% d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie).

Selon le baromètre 2020 d’Observ’ER, si les énergies renouvelables électriques ont continué d’essaimer sur le territoire français en 2020 (photovoltaïque et éolien en tête), le rythme est insuffisant pour coller aux objectifs nationaux. On le voit : fixer des objectifs sans se doter de moyens pour les atteindre est un vœu pieu.

Les recommandations d’Energie Partagée

Porté depuis plusieurs années par un large éventail d’organisations représentatives des acteurs locaux (associations de collectivités, collectifs citoyens, organisations agricoles et associations de défense de l’environnement, …) le principe d’une différentiation géographique des mécanismes de soutien (modulation des tarifs d’achat et régionalisation des appels d’offres) s’est jusqu’à présent vu opposer un refus appuyé par deux types d’arguments :

  • financier (cela augmenterait le coût pour la collectivité). Cependant, d’une part, des gains sont à attendre en matière d’accès au foncier, de besoins de renforcement du réseau, de taux d’échec des projets et de baisse des coûts par croissance du marché. D’autre part,  il est pourtant possible de dimensionner les dispositifs de manière à atteindre au global la neutralité en termes de coût supporté par la collectivité par kWh produit ;
  • juridique (ce serait contraire aux règles européennes des aides d’État). Pourtant, à deux reprises la France a déjà mis en place des dispositions allant dans le sens d’une différentiation géographique (pour l’éolien entre 2002 et 2015 via un tarif d’achat calculé sur 15 ans site par site, pour le photovoltaïque en 2010 via des appels d’offres par région administrative), et la toute nouvelle version de la loi « EEG » allemande entrée en vigueur en janvier 2021 prévoit des appels d’offres régionalisés à hauteur 15% du volume total sur 2022-2023 et de 20% en 2024 afin de favoriser le déploiement de l’éolien dans le Sud du pays, dans les deux cas sans aucune réaction de la part de la Commission européenne.