ReWA : deux ans d’étude approfondie sur six communes d’Allemagne

Conduit pendant deux ans par un consortium constitué de l’Agence fédérale pour les énergies renouvelables et de deux instituts de recherche allemands, le projet de recherche ReWA a été mené sur six communes allemandes. L’objectif était d’analyser les interactions entre retombées économiques régionales, possibilités pour les habitants et habitantes d’investir leur épargne et acceptabilité locale de projets d’énergie renouvelable.

Un échantillon de projets plus ou moins ouverts à la participation citoyenne

Les communes étudiées ont été choisies pour leur représentativité de la diversité des territoires et situations du pays :

• Hünfelden (en Hesse) :  parc éolien citoyen de la forêt de Hünfelden (3 éoliennes, 13,5 MW)
• Lommatzsch (en Saxe) : parc éolien de Wölkisch (10 éoliennes, 20,5 MW)
• Reußenköge (dans le Schleswig-Holstein) : parc éolien citoyen (84 éoliennes)
• Schlöben (en Thuringe) : méthaniseur alimenté par élevage local, réseau de chaleur-bois
• Tuningen (dans le Bade-Wurtemberg) : parc solaire de Tuningen (4,5 MW)
• Uttenreuth (en Bavière) : parc solaire d’Uttenreuth (7,2 MW)

Les 6 communes étudiées présentent des situations très diverses en termes de création de valeur régionale, de modèles de participation des citoyens au financement des projets, et d’acceptation et soutien local aux projets.

Cas concrets : une corrélation variable entre acceptabilité, valeur créée localement et participation financière

« La participation au capital des communes et des citoyen·ne·s dans le cadre des projets EnR garantit le maintien au niveau local de la création de valeur et se traduit par une réelle participation citoyenne ! »

À Hünfelden, un parc éolien citoyen avec une participation réussie crée de la valeur localement

Dès le début, la commune de Hünfelden a fait activement participer la population à la mise en place d’un parc éolien local. Elle a créé une société de projet en partenariat avec la société (originaire de la région) à l’initiative du projet, permettant aux citoyens de détenir environ 28 % des parts. Cette participation directe au capital a permis de garder une grande partie de la valeur créée dans la commune, notamment via les revenus de la taxe professionnelle et les loyers des terrains municipaux. Bien que la communication n’ait pas atteint l’ensemble de la population, le projet a globalement rencontré une bonne acceptabilité locale. La commune a su désamorcer une opposition anti-éolienne en mettant en place une approche participative réussie.

Parc éolien de Lommaztsch : faible participation, valeur locale limitée, acceptation mitigée

La ville de Lommatzsch a misé sur le développement de l’éolien, avec un parc de 10 éoliennes. Cependant, la valeur créée quitte en grande partie la commune, les propriétaires du parc n’y étant pas établis. La commune a choisi un modèle de participation financière indirecte, en percevant une subvention annuelle de l’exploitant pour financer sa politique énergétique. L’acceptabilité du parc est mitigée (36 % favorables, 34 % défavorables), en partie faute d’une communication suffisante sur la création de valeur locale.

Reußenköge, un modèle exemplaire d'appropriation locale de la transition énergétique

Reußenköge accueille ‘un des plus grands parcs éoliens citoyens au monde, avec 84 éoliennes. Presque tous les ménages de la commune détiennent des parts dans la société exploitante, garantissant que la majeure partie de la valeur créée (27,5 millions d’euros par an) reste dans la région. Le parc bénéficie d’une très forte acceptabilité locale, les habitants étant fiers de contribuer à la transition énergétique. La commune a réussi à impliquer activement la population et à faire du parc un véritable projet citoyen.

Schlöben, un “village bioénergétique“ porté par une dynamique coopérative locale

Schlöben est devenu un “village bioénergétique“, avec un méthaniseur alimenté par les lisiers d’un élevage de la commune qui produit du biogaz, et un réseau de chaleur local alimenté par des copeaux de bois.

La commune et l’exploitation agricole locale sont associées dans une coopérative, permettant de garder 91 % de la valeur créée (337 800 euros par an) dans la commune. La moitié des habitants participent financièrement à la coopérative, ce qui se traduit par une forte acceptabilité du projet. Le modèle coopératif a permis un ancrage local solide du projet

À Tuningen, un parc solaire relativement accepté malgré une faible création de valeur locale

Le parc solaire de Tuningen a été développé par la société EnBW, qui n’est pas basée sur place. Les habitants n’ont pas été associés à la planification du projet. Ils ont simplement eu l’opportunité d’y investir via un prêt subordonné d’une durée de 5 ans.

Cependant, cette possibilité n’a été saisie que par une vingtaine de ménages. Le manque d’implication directe des habitants dans le capital de l’installation a limité les retombées économiques locales. De fait, 90 % de la valeur créée quitte la commune, d’autant que l’exploitation et la maintenance sont aussi effectuées par des entreprises extérieures. Toutefois, bien qu’assez faible, la valeur économique créée localement (essentiellement sous forme de recettes fiscales et d’intérêts perçus par la commune) est plutôt bien perçue par la population, contribuant à une acceptation relativement bonne de l’installation.

Uttenreuth : largement accepté, un parc solaire à valeur écologique qui rayonne sur sa région

Le parc solaire d’Uttenreuth a été développé par un regroupement de trois coopératives citoyennes d’énergie (dont une basée dans la commune) et une société privée. Bien que seul un petit nombre d’habitants de la commune ait directement participé au capital, le projet bénéficie d’une très forte acceptabilité locale. Les habitants valorisent la conversion d’un ancien site militaire à la production d’énergie renouvelable, et les bénéfices environnementaux (par exemple le retour d’une espèce protégée d’oiseau), plus que les faibles retombées économiques directes pour la commune. Mais en élargissant la focale, il s’avère que 86 % des fonds propres, ainsi qu’une large partie des prestations de maintenance et d’exploitation, sont apportés par des acteurs régionaux. Il s’agit donc bien d’un projet citoyen, dont l’assise économique doit s’analyser plutôt à l’échelle de la région que de la commune.

Comment stimuler la participation citoyenne locale et une plus forte acceptation des projets ?

Sur la base des cas concrets étudiés et des enseignements qui en ont été tirés, le projet de recherche ReWA a identifié plusieurs points clés qui représentent autant de leviers que les acteurs locaux et les porteurs de projet peuvent chercher à actionner.

La participation des communes et des citoyens dans la mise en œuvre de projets d’énergies renouvelables garantit le maintien de la création de valeur dans la région. Plus les acteurs locaux sont impliqués tout au long de la chaîne de valeur, plus la valeur créée restant la commune du projet EnR sera élevée.

Pour les communes, être propriétaire des terrains destinés aux installations d’énergies renouvelables est un levier important leur permettant d’exercer un contrôle ciblé. Cela leur donne une marge de manœuvre pour prendre en compte les besoins de la population et favoriser des modèles de participation citoyenne plus ambitieux.

La combinaison de plusieurs modèles de participation, directe et indirecte, offre un vaste éventail de possibilités. Cela permet d’impliquer un public plus large, y compris les ménages à faible revenu, tout en garantissant un véritable droit de regard sur les décisions structurantes pour les personnes et acteurs participant directement au financement.

« Les personnes associant installation EnR avec création de valeur font également preuve d’une acceptabilité élevée vis-à-vis de ces installations (et inversement). Il existe donc une forte corrélation statistique entre ces deux aspects, toutes communes confondues. Concernant les composants de la valeur ajoutée, l’acceptabilité la plus faible était manifestée en général par les personnes considérant qu’il n’existait aucun apport de valeur ajoutée au niveau local. »

Une bonne communication sur la création de valeur régionale auprès des citoyens est importante pour en faire saisir tout l’intérêt. Sur l’ensemble des communes, 55 % des personnes interrogées étaient informées de l’existence de cette création de valeur au niveau régional du fait des installations EnR. Même dans les communes les plus engagées, une part significative de la population n’était pas informée, ou mal, des retombées économiques régionales et des possibilités de participation.

Un accès facilité aux offres de participation financière stimule d’autres activités liées à la transition énergétique. En effet, les personnes ayant déjà participé financièrement à un projet EnR local sont presque deux fois plus enclines à investir à nouveau dans des projets du même type !