Josh Roberts : Les communautés énergétiques ne doivent pas se transformer en outil de « Citizen washing »
Depuis janvier 2017, Josh Roberts occupe le poste de responsable du plaidoyer de REScoop.eu. REScoop.eu est la fédération qui rassemble, représente et soutient les initiatives énergétiques citoyennes et communautaires à travers l'Europe.
Dans le film « We the Power » (dont nous allons bientôt célébrer la 100ème projection), Josh est mis en avant pour son combat afin de consolider le « coup d’État » citoyen sur l’énergie au niveau européen.
Organisez une projection en présentiel du film We The Power !
Patagonia a produit un film montrant que partout en Europe, des habitants engagent des actions pour se réapproprier localement leur production d’énergie. En partenariat avec Énergie Partagée, faîtes découvrir une version augmentée de ce film lors de projections collectives (à partir du 19 mai)
Comment as-tu rejoint Rescoop.eu et le mouvement des énergies citoyennes ?
Je suis devenu juriste parce que j’étais engagé et que ma passion était vraiment d’agir contre les fossoyeurs de l’environnement. Je suis originaire de Californie, j’ai eu l’occasion de me mobiliser contre beaucoup de projets néfastes pour le littoral ou des choses de ce genre.
J’ai commencé à travailler pour une ONG (Environmental Defense Center) qui est née d’une lutte contre un puit de pétrole sur la côte de Santa Barbara au nord de Los Angeles.
En 1969, Shell avait plusieurs exploitations pétrolières et l’une d’entre elle a causé une des pires marées noires de l’histoire. Cela a marqué le début du mouvement de défense de l’environnementale et la naissance de cette ONG.
J’étais à la faculté de droit et j’ai postulé pour un stage. Pendant ce stage, j’ai travaillé sur un certain nombre de questions comme les lois sur les espèces en voie de disparition, l’évaluation des dommages que nous pourrions être en mesure de réclamer suite à la destruction des écosystèmes ou comment limiter le développement des puits de pétrole offshore.
J’ai aussi été amené à m’intéresser au développement d’un parc éolien au large de la côte de Gaviota dans une zone protégée. Notre association était partie prenante et globalement opposée au projet car les études d’impacts environnementaux du projet n’étaient pas convaincantes.
Oui, d’ailleurs, dans le film We The Power, tu es présenté comme un lobbyiste de l’énergie citoyenne, qui précédemment se battait contre les éoliennes ?
Je ne veux pas donner l’impression que j’étais contre l’éolien en général. En fait il s’agissait de ce projet en particulier.
Quand j’étais à l’école, j’étais à fond dans le droit climatique et je n’étais pas satisfait des principes du marché carbone avec les échanges de quotas d’émission. Ensuite, ma première expérience avec les énergies renouvelables a été ce projet.
Après cela, j’étais un peu dégoûté des énergies renouvelables. Je me suis dit, quel est l’intérêt ? Même si c’est renouvelable, ça a toujours un impact sur l’environnement. Je n’avais plus envie de travailler sur les questions climatiques. Je n’aimais pas la direction que ça prenait. Je voulais faire beaucoup plus d’action sur le terrain.
Je me suis intéressé un temps à la responsabilité et la transparence des entreprises en ce qui concerne les droits de l’homme, mais il n’y avait plus de fonds et le cabinet d’avocats pour lequel je travaillais à l’époque m’a mis sur un de leurs clients : REScoop.eu
J’ai toujours été un peu anti-business, vous savez je n’aime pas du tout les grandes multi nationales. Quand j’ai rencontré REScoop, ils étaient sur cette même longueur d’onde.
Le concept d’énergie citoyenne m’a convaincu : j’ai réalisé qu’une partie de l’économie n’est pas complètement corrompue et qu’on peut vraiment utiliser le système pour servir des objectifs plus grands et socialement importants. Pour moi, ça a été un grand tournant…
Si vous voulez m’étiqueter, je ne suis ni anti-éolien ni éolien-sceptique, je suis un éolien vigilant.
Penses-tu que l’énergie citoyenne peut être une réponse efficace par rapport au mouvement anti-éolien qui se développe en Europe ?
Si vous me demandez mon opinion, les énergies renouvelables ne vont pas sauver le monde… Bien sûr, elles peuvent jouer leur rôle. Mais je suis aussi préoccupé par la façon dont elles sont développées, fabriquées et recyclées.
La question principale est qu’actuellement, les énergies renouvelables sont produites très majoritairement selon un schéma économique et avec des acteurs qui sont finalement les mêmes et qui sont destructeurs de l’environnement.
Avec les communautés d’énergies, il y a une opportunité de faire les choses vraiment différemment. Les impacts sont toujours présents et les oppositions se font entendre (parfois à juste titre), mais il y a des leviers concrets comme la concertation territoriale, la gouvernance partagée et les retombées économiques locales pour des projets au service de l’intérêt collectif, ce qui peut faire évoluer la position de certains opposants.
Le problème n’est pas tant les impacts des énergies renouvelables, mais la façon dont ces impacts sont perçus par les acteurs locaux.
Je pense que de donner aux habitants le pouvoir d’investir et de décider localement du développement des EnR sur leur territoire via des coopératives est le meilleur moyen de réduire la contestation. Les contraintes sont internalisées et les gens deviennent acteurs de la protection de leur environnement.
Quels sont vos principales actions au niveau européen ?
Dans les États membres, il est toujours très complexe pour les projets citoyens de participer aux appels d’offres d’achat de l’énergie. Nous essayons de simplifier et d’adapter l’accès à ces marchés pour les coopératives citoyennes.
D’un autre côté, il faut faciliter l’investissement dans les EnR, car certaines personnes sont aussi attirées par cet aspect.
La spécificité de la plupart des projets territoriaux est qu’ils ont besoin de soutien et de subventions pour exister. C’est pourquoi nous plaidons pour des dérogations aux règles strictes de concurrence pour s’inscrire dans une logique de long terme.
Pour atteindre les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, il y a besoin de développer les énergies renouvelables. Pour cela, il faut le soutien des habitants. Finalement, pour embarquer les acteurs locaux, il n’existe malheureusement pas vraiment d’autre argument que l’innovation sociale apporté par les communautés énergétiques.
La commission européenne soutient cette disruption du secteur de l’énergie. Mais attention, car dans les 2 ou 3 prochaines années, les acteurs historiques pourraient utiliser cette révolution pour faire du « citizen washing ».
Les communautés énergétiques ne doivent pas être récupérées par les acteurs historiques pour faire du « citizen washing »
Si les citoyens et les citoyennes se rendent compte que le concept des communautés énergétiques prévues pour eux à l’origine est en fait récupéré, cela ne finira pas bien du tout !
Il faut être très vigilant, car les orientations de la Communauté Européenne peuvent être très décevantes, comme par exemple le « label vert » accordé au gaz qui est clairement un résultat du lobbying des grandes compagnies.