La Corse sensibilisée aux enjeux de l’énergie citoyenne
Le 19 novembre à l'IUT de Corse, ils étaient venus nombreux pour interroger le devenir et le renforcement des énergies renouvelables citoyennes dans l'île, à l’occasion d’une journée dédiée, lors de laquelle intervenait notamment Vincent Baggioni, animateur d’Énergie Partagée en région PACA.
Soutenue par la Collectivité de Corse, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et l’Université de Corte, cette journée était organisée par l’association étudiante Corti Verde, rattachée au Master INGECO, formant depuis une dizaine d’années les étudiants corses à l’ingénierie environnementale.
La Corse, une île fortement dépendante aux hydrocarbures
Les interventions de l’Agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie de Corse (AUE) et de l’ADEME ont permis de mieux connaître les caractéristiques énergétiques corses. L’île est faiblement interconnectée à l’Italie qui ne peut subvenir qu’en partie à ses besoins d’électricité. Elle est aujourd’hui très dépendante des hydrocarbures qui fournissent, en particulier en été, plus de la moitié de sa consommation électrique, et qui représentent 90% de son mix énergétique (y inclus transports et usages thermiques).
Les énergies renouvelables (EnR) demeurent dans ce contexte une alternative fragile face cette dépendance. Le seuil de production maximale d’énergies variables (30 %) est en effet régulièrement atteint, limitant l’installation de nouvelles installations d’EnR. L’atteinte de ce seuil une cinquantaine d’heures par an s’explique par les variations que connaît la production d’électricité d’origine hydraulique, soumise aux écarts de pluviométrie entre été et hiver.
Les énergies renouvelables citoyennes, une partie de la solution !
Dès lors, la production d’énergies renouvelables citoyennes peut en partie fournir une solution face à ses enjeux. Tout d’abord, elle favorise l’investissement dans des installations aujourd’hui délaissées par les opérateurs énergétiques conventionnels car trop faiblement rentables. C’est par exemple le cas de la filière bois-énergie, au fort potentiel jusqu’ici faiblement valorisé. Cette filière peut apporter des solutions énergétiques alternatives en cogénération. C’est aussi le cas des installations photovoltaïques (PV) mutualisées, de moyennes et de grandes dimensions sur toiture, qui peuvent encore trouver une place en injection sur le réseau ou en autoconsommation.
Ensuite, les initiatives citoyennes sont vectrices de développement endogène, thématique chère à la Corse. En favorisant l’investissement local et la maitrise de la gouvernance des projets, elles assurent aux collectivités et aux citoyens le maintien sur l’île d’une partie des plus-values générées par les projets. Enfin, et surtout, les EnR citoyennes sont un vecteur de sensibilisation des habitants à la sobriété énergétique, comme la captation de retombées locales peut être un levier pour l’investissement des collectivités dans l’efficacité énergétique et le développement d’autres projets d’EnR.
Les interventions d’Énergie Partagée ont permis de rassurer les élus et les acteurs économiques présents sur la faisabilité des projets énergétiques citoyens. Ces derniers ont en effet manifesté des craintes à leur sujet au regard d’expériences précédentes ayant rencontré des échecs, lors de projets énergétiques portés par des collectivités territoriales ou dans des partenariats associant collectivités territoriales et citoyens.
L’ancien président d’Énergie Partagée, Michel Leclercq, a pu ainsi témoigner de la naissance conjointe des éoliennes citoyennes de Béganne en Bretagne et du mouvement Énergie Partagée au tournant des années 2010. Roger Fernandez, président de Lucisol, coopérative soutenue par Énergie Partagée et basée à Apt (84), a pu, de son côté, raconter l’histoire de la réalisation de la première grande installation PV citoyenne en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA).
Leurs exemples montrent les capacités de financement et de réalisation dont peuvent être porteurs collectifs de citoyens et/ou collectivités engagés localement dans la mise en œuvre de la transition énergétique.
Enfin, l’intervention de Vincent Baggioni, animateur d’Énergie Partagée en région PACA, a remis en perspective les enjeux que recouvre le soutien au développement des projets énergétiques citoyens. Il a notamment insisté sur la nécessité de doter l’île de moyens d’animation, l’émergence de porteurs et la réalisation de projets citoyens étant, au regard de ce qui a pu se passer dans les autres régions françaises, directement conditionné au recrutement d’un animateur régional. Par ailleurs, le mouvement de l’énergie citoyenne bénéficie aujourd’hui d’un réseau fortement structuré et d’outils de partage des savoirs et des compétences nécessaires au montage de projets qui peuvent être facilement mis au service de la Corse.
Cette journée aura été ainsi l’occasion de sensibiliser les acteurs corses de l’intérêt des EnR citoyennes pour leur île. On attend avec impatience l’émergence de nombreux projets.