La transition énergétique : un gisement d’emplois non délocalisables
L’économie, l’emploi et le social tireront d’immenses bénéfices de la transition énergétique.
Article issu du dossier de presse du collectif d’ONG pour le débat sur la transition énergétique. Lire le dossier complet.
Si la raison première de l’urgente nécessité d’engager la transition énergétique reste à nos yeux le maintien des conditions environnementales de la survie d’une humanité qui ne peut pas continuer à vivre en s’affranchissant de tout ce qui l’entoure, nous avons aussi la certitude que l’économie, l’emploi et le social en tireront d’immenses bénéfices et que c’est dans cette direction qu’il faut chercher la sortie des crises qui gangrènent notre société.
Vers une économie plus sobre
La transition énergétique implique des changements de nos modes de consommation vers plus de sobriété et d’efficacité et la mobilisation des immenses gisements d’énergies renouvelables dont la France bénéficie ; elle signifie le développement au cœur de nos territoires d’activités à fort contenu en main d’œuvre et entraîne la réduction progressive des importations de produits énergétiques qui plombent à la fois notre balance commerciale et notre pouvoir d’achat.
Quels seront les effets sur l’emploi de cette mutation vers une économie plus autonome et plus robuste ? Les grandes entreprises qui dominent aujourd’hui le secteur de l’énergie agitent le chiffon rouge des emplois perdus dans le nucléaire, les raffineries ou l’industrie automobile pour ne pas remettre en cause un modèle dont elles sont les principales si ce n’est les seules bénéficiaires. Mais la transition c’est aussi de l’industrie, dans la rénovation des bâtiments, la production de matériaux, l’intelligence des réseaux, les énergies renouvelables.
Les chiffres
Grâce à deux études publiées récemment nous savons désormais que les emplois créés, bien répartis et non-délocalisables, seront bien plus nombreux que les emplois perdus !
Entre 632 000 emplois en plus…
La première, réalisée par le CirED-Cnrs1, a analysé le contenu du scénario négaWatt en emplois directs et indirects, secteur par secteur, et a chiffré de manière précise pour chacun d’eux les créations et suppressions d’emplois : elle montre que d’ici à 2030 la transition proposée par ce scénario peut créer 632 000 emplois de plus que la prolongation des tendances et des politiques actuelles.
Sans surprise, les créations les plus nombreuses se situent dans le bâtiment grâce notamment à un programme massif de rénovation thermique. Elles font bien plus que compenser le ralentissement de l’activité dans la construction neuve que l’on connaît déjà actuellement.
Dans les transports, une profonde mutation s’opère avec un solde légèrement négatif : le développement des transports en commun et du fret ferroviaire et fluvial ne compense pas complètement la baisse de l’activité du fret routier, de l’aérien, des infrastructures routières et de l’automobile.
Enfin, les énergies renouvelables étant plus intensives en emplois que le nucléaire ou les énergies fossiles, les emplois créés dans le secteur de la production, du transport et de la distribution d’énergie sont bien plus nombreux et bien plus répartis que ceux qui sont perdus.
A cette analyse sectorielle largement positive s’ajoute ce que les économistes appellent « l’effet induit sur l’emploi »: l’une des conséquences les plus importantes de la transition énergétique est la baisse progressive des importations d’énergies fossiles jusqu’à atteindre un niveau résiduel en 2050, alors qu’elles se sont élevées en 2012 à plus de 60 milliards d’euros, un montant proche de celui du déficit de la balance commerciale de la France.
Autant d’argent économisé par les ménages, les entreprises et les collectivités qui, une fois déduit le financement des investissements nécessaires à la transition, va progressivement être réinjecté dans l’économie générale sous forme de « pouvoir d’achat » restitué aux consommateurs. Ces milliards d’euros libérés vont ainsi générer de l’activité et des emplois dans l’ensemble des secteurs de l’économie, et cet « effet induit sur l’emploi » va s’ajouter au solde des emplois directs et indirects créés et détruits dans les différents secteurs directement concernés par la transition énergétique.
Et 825 000 !
La seconde étude réalisée par l’OFCE (Office Français des Conjonctures Économiques) et l’ADEME a estimé les effets macroéconomiques de deux scénarios de transition énergétique (négaWatt et ADEME) en prenant en compte les facteurs externes permettant d’enclencher la transition énergétiques comme l’instauration d’une contribution climat-énergie qui va renchérir le prix de l’énergie
Bien qu’elle soit basée sur une méthodologie totalement différente, les résultats de cette étude sont convergents avec ceux de la première puisqu’ils aboutissent à la création de 745 000 emplois en 2050 avec le scénario négaWatt, et même à 825 000 avec le scénario « média » de l’ADEME, assez proches du précédent sur un certain nombre de points. ils sont aussi cohérents avec les 225 000 emplois dans l’isolation des logements annoncés par saint-Gobain ou près de 150 000 dans les énergies renouvelables d’ici 2020 prévus par le SER :
Dans le modèle utilisé par l’OFCE, la baisse significative de la courbe du chômage est loin d’être le seul impact positif des scénarios ambitieux de transition énergétique sur l’économie : on peut citer également une forte réduction de la dette publique, une balance commerciale qui devient positive avant 2050 ainsi que, pour les ménages, une facture énergétique nettement inférieure et un revenu brut disponible supérieur.
La transition, pour l’emploi !
Parce qu’elle mobilise des ressources physiques et humaines qui sont présentes dans nos territoires, et parce qu’elle s’appuie sur des activités très réparties et intensives en emplois non- délocalisables, la transition énergétique est donc bien plus créatrice d’emplois qu’une poursuite des politiques actuelles.
Alors que plus de 1000 citoyens correctement informés et interrogés dans le cadre de la concertation organisée le 25 mai se sont massivement prononcés en faveur de la transition énergétique, ces études économiques montrent que la France a tout à gagner à se lancer dans ce vaste mouvement qui va inéluctablement concerner de plus en plus de pays.
Notre pays doit saisir l’opportunité de se positionner parmi les pionniers de cette transition, de développer de nouveaux métiers au cœur des territoires et d’offrir aux salariés des secteurs qui vont perdre des emplois la possibilité de se reconvertir dans les activités d’avenir.