Il y avait deux possibilités pour ce projet sur l’ancienne décharge. Soit le laisser à une société privée, qui l’aurait sans doute réalisé vite et bien ; la commune aurait alors touché un simple loyer, sans s’impliquer. Soit en faire un projet de société : impliquer les citoyens et les élus pour produire nous-mêmes une énergie renouvelable de façon coopérative.
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C’est en 2016, au moment de la fermeture de la décharge municipale, que la mairie d’Ornaisons s’est posé la question de l’avenir de ce terrain. Il ne peut pas être transformé en terre agricole, il est plat, exposé au sud dans une région baignée de soleil, et invisible des principaux accès au village ; un lieu idéal pour l’implantation d’un parc solaire.
Inspirée par un projet de parc photovoltaïque citoyen dans une autre commune du département, Luc-sur-Aude, mis en service en 2018, la mairie organise une visite de ce parc voisin. À la fin de cette même année, elle est lauréate de l’appel ADEME/Région Occitanie « Énergies renouvelables coopératives et citoyennes », qui va permettre le lancement des études et l’animation du projet sur la durée. Dans l’idée d’impliquer les habitantes et les habitants, elle impulse la création de l’association Soleil d’Ornaisons, qui se fait accompagner par l’association EcoHabiter en Corbières & Minervois, Cat’EnR et Enercoop Languedoc Roussillon.
« Au départ, on réfléchissait à un projet de grappe photovoltaïque sur quatre toitures de bâtiments communaux, mais elles se sont avérées trop vieilles et inadaptées à l’installation de panneaux. On s’est donc concentrés sur le projet de parc au sol, que l’on étudiait en parallèle », raconte Fanny Tisseyre, adjointe au Maire et présidente de Soleocc (Solaire et Éolien d’Origine Citoyenne en Corbières et Minervois), la SAS créée en 2022 pour la réalisation du projet. Les membres fondateurs de la société de projet sont au nombre de 26, un cercle élargi autour des personnes actives de l’association. Soleocc compte actuellement 230 sociétaires, dont cinq collectivités et deux entreprises, et la levée de fonds citoyenne a permis de rassembler 96 100 €, une belle somme complétée par le dispositif de subvention régionale 1 € citoyen = 1 € Région, à hauteur de 78 900 €.
Les habitant·es d’Ornaisons et des environs n’étant pas forcément sensibilisé·es aux questions énergétiques, les membres actifs de Soleocc ont dû se mobiliser pour informer sur le projet et expliquer son intérêt. « Ça a été un véritable défi ; ce type de projet est peu connu et peut effrayer. De manière générale, on ne comprend rien à nos factures relativement opaques, la virtualité de l’électricité fait que c’est compliqué à expliquer, le réseau global, la production, les différents fournisseurs d’électricité… », souligne Fanny Tisseyre. « On sentait les regards en coin de certains, c’était important pour nous de concrétiser le projet pour prouver que ça n’était pas une lubie ! »
Des réunions publiques ont été organisées, des articles publiés dans la presse locale, une « rando-watt » proposée, qui a rassemblé une cinquantaine de personnes sur le site encore à l’étude. Le projet est finalisé et mis en service début 2025. « La journée d’inauguration a été un vrai succès : on a déambulé dans le village à pied jusqu’au parc avec une fanfare, il y avait du lien, beaucoup de monde du village, de très beaux discours des élus. Un bel aboutissement de toutes ces années de travail. » L’électricité produite correspond à environ 25 % de la consommation du village d’Ornaisons.
La démarche de sensibilisation ne s’arrête pas là. Une sortie découverte a été organisée pour la classe de CM1-CM2 de l’école d’Ornaisons, précédée d’une intervention en classe sur le thème des énergies renouvelables. Les élèves ont pu visiter le parc, effectuer une lecture du paysage, et réaliser des exercices concrets de calcul (superficie, production…). Une opération qui sera reconduite tous les deux ans. « On arrive enfin à la phase où on peut amener du sens à travers ce type d’actions, l’idée étant de faire toucher du doigt aux enfants ce bien commun », se réjouit Fanny Tisseyre.
Le projet ne se limite d’ailleurs pas à la construction du parc. Il s’agit d’impliquer les sociétaires pour la suite, par exemple pour l’entretien du terrain, de prendre du temps pour déployer le projet et imaginer d’autres actions. « Le parc devient vivant, on en récolte enfin les fruits ! »
Soleocc est régulièrement sollicitée pour parler de la réalisation de ce parc, par des collectifs et des personnes qui veulent former des groupes de travail, ou par des communes voisines comme celle de Tourouzelle, ou plus lointaines jusque dans la Montagne Noire. Une autre association, Sun d’aqui, a été constituée par des citoyens et citoyennes de trois villages voisins, afin de monter des projets similaires. Plutôt que de créer une nouvelle coopérative pour porter leurs projets, ils ont intégré Soleocc sous forme de groupe de travail.
D’autres sites sont à l’étude pour des projets de centrales au sol : le délaissé d’une station d’épuration et une ancienne décharge sur la commune de Fabrezan, un ancien bassin de rétention viticole à Tournissan, et un autre terrain à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse.
Soleocc pourrait également à l’avenir s’impliquer dans un projet éolien. « On a mis « éolien » dans notre nom car dans la région, on vit entourés d’une centaine d’éoliennes, mais même si elles ne dérangent pas, c’est de l’énergie non citoyenne, l’essentiel de la richesse créée ne va pas aux gens qui vivent avec », explique Fanny Tisseyre. Trois éoliennes sont déjà implantées sur le village d’Ornaisons et un projet pour trois nouvelles machines est en cours. Soleocc a été contacté par EDF ENR pour proposer d’articuler le projet, d’une manière qui reste à définir, avec la coopérative. « On ne porte pas les mêmes valeurs, il faut trouver un intérêt commun ; nous verrons ce qu’ils peuvent nous proposer, c’est en discussion ! »
