Tribune : « La transition, c’est bien. Ensemble, c’est mieux ! »
La revue du Réseau pour la transition énergétique, CLER Infos, publie dans son n°120 une tribune de Marc Mossalgue, responsable de la communication d'Énergie Partagée, dans le cadre d'un dossier intitulé : "Responsabilisation, participation, coopération - Les ressorts de l’engagement".
Réduire notre consommation énergétique et développer les énergies renouvelables : ces deux caps de la transition énergétique demeureront abstraits et fragiles s’ils ne s’accompagnent pas d’une aventure culturelle et pédagogique à même de fédérer partout et pour longtemps de nouvelles manières de penser l’énergie. Consultations, réunions publiques, ateliers d’échanges, panels citoyens, projets de production co-pilotés… les initiatives de collaboration entre habitants et collectivités autour de la problématique territoriale de l’énergie se multiplient et marquent un tournant dans la démocratie de l’énergie, longtemps confisquée par une histoire française singulière.
Énergie décentralisée
On dénombre aujourd’hui environ 300 projets citoyens de production d’énergie en France maîtrisés par des habitants et des collectivités. Chaque personne engagée dans ces projets a ses raisons : intérêt pour la technique, sens donné à l’investissement, militantisme, envie d’une aventure collective, développement local, besoin d’agir concrètement… Toutes ont plus ou moins découvert au fur et à mesure les enjeux et les étapes du montage de projet : créer une société, définir collectivement les orientations, trouver des financements, lancer des études, mobiliser, assumer l’exploitation… Concrets, et incarnés par des hommes et des femmes, ces projets citoyens agissent comme des interprètes de la transition énergétique à l’échelle des territoires. À travers ces initiatives, elle devient compréhensible, locale et réelle.
Développer le sens critique de l’énergie
« Donne un poisson à un homme, il mangera un jour ; apprend lui à pêcher, il mangera toujours ». Ce proverbe sur l’autonomisation peut s’appliquer à la transition énergétique, tant elle nécessite du temps d’explication et d’appropriation dans les territoires pour être comprise et efficace. Seulement, chaque territoire est unique, constitué de particularismes culturels, de sensibilités variées, de grandes et de petites histoires avec l’énergie. Ainsi, il est inadapté d’y transposer des recettes ou programmes pour une transition énergétique type. Une connaissance fine et une animation de terrain sont des composantes indispensables à l’infusion d’une mobilisation citoyenne, et ne peuvent pas être remplacées par les outils numériques. L’enjeu est davantage d’entraîner un sens critique de l’énergie à tous les niveaux de réflexions et de décisions des territoires pour mener à bien des choix durables et assumés collectivement.
Les collectivités : démultiplicateur de transition
À ce titre, le rôle des collectivités est central : créer les conditions favorable au bourgeonnement d’initiatives, portées tant par les citoyens que par les acteurs privés qui feront de la place aux citoyens. Elles doivent se former aux métiers de l’énergie, en lien avec les acteurs spécialistes locaux, et exercer leur bienveillance à l’égard des projets citoyens : d’une posture d’appui, jusqu’à un rôle d’investisseur, pour partager pleinement avec les habitants les rentes naturelles du territoire. Dans le même temps, les conditions réglementaires et administratives doivent offrir un cadre stable et incitatif pour ces initiatives qui nécessitent davantage d’efforts d’animation. Ceux-ci permettent d’ancrer plus durablement des logiques de coopération locale autour de la planification énergétique.
Avec tous les citoyens
Enfin, à côté de ces centaines de collectifs mobilisés, des millions de Français restent étrangers à ces réflexions. Ils ignorent l’existence de ces initiatives ou sont happés par les préoccupations quotidiennes. Comment atteindre ces personnes ? Comment leur présenter la mutation en cours et leur proposer d’y jouer un rôle ? C’est l’enjeu principal de l’énergie citoyenne comme de la transition énergétique. Pour y parvenir, l’investissement citoyen offre cette possibilité de s’impliquer en accord avec ses convictions sans pour autant participer activement et consacrer du temps. 5000 milliards d’euros sont placés sur les livrets et placements d’épargne, souvent dans la plus totale opacité. Et si le déclic pour une meilleure compréhension de la transition énergétique passait par la réappropriation de cette épargne ?
Marc Mossalgue, responsable de la communication d’Énergie Partagée