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Autoconsommation collective citoyenne : l’essentiel

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Modèle énergétique en plein essor, l'autoconsommation collective pose de nombreuses questions à ceux qui s'y intéressent. Qui peut se lancer ? Est-ce nécessairement rentable ? Comment mettre en place une autoconsommation collective citoyenne vertueuse ?

En France, l’autoconsommation collective (ACC) a le vent en poupe. Ce modèle émergent, au sein duquel l’on consomme à plusieurs une énergie produite localement, porte de nombreuses promesses : s’approprier des moyens de production, maîtriser ses factures dans un contexte de hausse de prix de l’énergie, faire face aux fluctuations du marché. Cependant, l’ACC reste un modèle souvent complexe à mettre en place, dont la rentabilité et les bénéfices extra-financiers doivent être étudiés au cas par cas, dans chaque opération. Alors quelles possibilités offre vraiment l’autoconsommation collective, et pour qui ? Quels points d’attention doivent être pris en compte ? Quelles questions doit-on se poser avant de monter une opération citoyenne ? Candidat·es au circuit court de l’énergie, cet article vous fournit toutes les clés de compréhension.

L’autoconsommation collective en bref

Une AMAP où les watts remplacent les tomates : cette analogie employée par certains acteurs du secteur illustre bien ce qu’est une opération d’ACC. Plus précisément, il s’agit d’un modèle dans lequel plusieurs acteurs s’associent, afin de produire de l’énergie localement (en général, grâce à des centrales solaires) et la consommer entre eux. Contrairement à une opération classique, dans laquelle un particulier vend à EDF le surplus de la production électrique de sa propre toiture, l’objectif ici est bel et bien de partager l’électricité entre “voisins”.

Concrètement, au sein d’une opération, les membres producteurs se rémunèrent sur la vente d’électricité aux membres consommateurs, dans des conditions qui doivent être avantageuses à la fois pour le producteur (qui vend a minima aussi cher que s’il avait vendu son surplus à EDF en obligation d’achat) et pour le consommateur (qui paye le kWh à un tarif équivalent ou inférieur à celui de son fournisseur actuel). 

L’un des intérêts phares de l’autoconsommation collective est clair : les participants à l’opération vont définir ensemble les meilleures conditions d’échange et faire en sorte qu’un maximum de l’énergie produite localement soit utilisée localement. Le cas échéant, ils peuvent avoir recours à des solutions de pilotage, qui permettent de décaler certaines consommations pour les faire correspondre aux périodes de plus forte production. Au-delà de la question purement économique, d’autres éléments peuvent entrer en jeu dans les arbitrages pris en commun par les participants : les valeurs du projet, son statut de projet pilote, etc.

Les 3 règles de l’ACC

  • Les membres doivent se regrouper au sein d’une entité juridique, la personne morale organisatrice (PMO);
  • Ils doivent être proches géographiquement : en 2024, le périmètre d’une opération d’ACC est fixé, hors dérogation, à 2 km en ville, 10 km en zone périurbaine et 20 km en zone rurale (ces distances s’entendent à vol d’oiseau, entre le producteur et le consommateur les plus éloignés l’un de l’autre);
  • La puissance cumulée des installations de production doit être inférieure ou égale à 3 MW.

ACI et ACC, quelle différence ?

Dans une autoconsommation individuelle (ACI), l’électricité est consommée en direct sans passer par le réseau de distribution (hormis l’éventuel surplus, revendu en injection sur le réseau). À l’inverse, dans une opération d’autoconsommation collective, l’énergie produite et partagée transite via le réseau de distribution de l’électricité. Il faut donc s’acquitter des taxes d’utilisation de ce dernier !

En revanche, il convient de ne pas opposer ces deux modes de valorisation de l’énergie. Dans les faits, les opérations mixent souvent des producteurs qui autoconsomment d’abord l’électricité produite pour couvrir leurs proposes besoins (ACI), et qui partagent le surplus sur le réseau pour le vendre aux membres de l’opération d’ACC.

L’autoconsommation collective, comment ça marche ?

Une image valant mille mots, voici un schéma illustrant la boucle de l’autoconsommation collective.

Communauté énergétique et autoconsommation collective, quelle différence ?

Une communauté énergétique désigne une personne morale dont l’objectif premier est de fournir des avantages environnementaux, économiques ou sociaux à ses actionnaires ou à ses membres ou aux territoires locaux où elle exerce ses activités, plutôt que de générer des profits financiers. Sa gouvernance et ses modalités de participation doivent respecter un certain nombre de critères. Les communautés énergétiques peuvent réaliser différentes activités dont l’autoconsommation collective, mais aussi la production, la vente ou encore l’agrégation (liste non exhaustive).

Une opération d’autoconsommation collective est un mode de gestion de la production électrique consistant à répartir la production entre les participants. L’ACC est l’une des activités parmi d’autres qu’une communauté énergétique a le droit, et non l’obligation, de réaliser. Nul besoin d’être une communauté énergétique pour faire de l’ACC, nul besoin de faire de l’ACC pour correspondre à la définition de communauté énergétique.

Lire notre article dédié pour en savoir plus

Qui peut se lancer dans l’autoconsommation collective et comment ?

Selon Enedis, 379 opérations sont actives en France (l’Occitanie et le Grand Est en tête) en 2024, soit une augmentation de plus de 100 % par rapport à l’année 2023. L’ACC est en plein essor, et pour cause : entreprises, collectivités, citoyens, tout le monde peut se lancer !

Entreprises : l’ACC pour réduire ses factures et répondre aux enjeux de RSE

Pour les entreprises qui ne bénéficient pas du tarif réglementé de l’électricité, l’autoconsommation collective constitue un moyen possible de réduire les coûts énergétiques, tout en valorisant leurs bâtis (toitures de bureaux, ombrières, etc.). La production d’une énergie renouvelable abordable et sa consommation en circuit court peut par ailleurs s’inscrire dans les objectifs RSE des organisations. Depuis le 1er juillet 2023, de nouvelles réglementations obligent les entreprises à installer des panneaux solaires sur au moins 30 % de leurs constructions neuves ou existantes. Ces centrales déjà opérationnelles ouvrent la porte à de potentielles ACC qui, dans certains cas, apportent une rentabilité supplémentaire.

Collectivités : faire baisser les coûts et valoriser son territoire

De plus en plus de collectivités mettent en place des ACC patrimoniales, qui valorisent les toitures des bâtiments publics et font baisser les factures d’électricité des communes en alimentant leurs services (mairie ou école, par exemple). Il est également possible de dimensionner les installations pour faire entrer habitants et/ou entreprises locales dans l’opération d’autoconsommation, qui peuvent alors profiter d’une énergie à prix maîtrisé : on parle dans ce cas d’ACC « ouvertes », qui contribuent à l’attractivité du territoire.

Citoyens : devenir producteur d’énergie et bénéficier d’une énergie locale

Comme dans tout projet d’énergie citoyenne, l’ACC permet à des habitants de devenir co-producteurs d’énergie renouvelable, en investissant dans un moyen de production – pas forcément sur leur propre toit. Ils peuvent également entrer dans l’opération en tant que consommateur – par engagement, pour bénéficier d’un tarif maîtrisé, etc. – ou devenir eux-mêmes producteurs pour revendre leur énergie aux autres membres. Il faut garder à l’esprit que toute autoconsommation qui intègre des citoyens (au sens d’individus physiques) n’est pas automatiquement citoyenne. Pour le devenir, des citoyens doivent évidemment investir dans l’opération, mais pas seulement : l’opération d’ACC doit être labellisée Energie Partagée. On attendra également d’une opération d’ACC citoyenne d’aller plus loin sur des questions relatives à l’inclusion, la vie démocratique et la sensibilisation.

Monter un projet citoyen d’autoconsommation collective vertueux : les points de vigilance

Une ACC citoyenne répond nécessairement à plusieurs critères – ceux du Label Energie Partagée : présence forte et diversifiée d’acteurs locaux dans l’actionnariat, prise de décisions démocratique et transparente, mobilisation des compétences locales, ou encore réduction des impacts environnementaux. Tout cela doit être pris en compte par les porteurs de projet.

Vous devez donc, dès le départ, vous poser les bonnes questions sur le financement de l’opération (qui finance ? doit-on chercher des tiers-investisseurs ?) ; son montage (quel modèle choisir pour viser la rentabilité ? quels statuts pour la PMO ? doit-on se faire accompagner par un prestataire ?) ; sa gouvernance (les décisions sont-elles prises démocratiquement ?) ; son modèle économique (qui profite ? comment fixer le juste prix entre consommateurs et producteurs ?) ; la dynamique de la communauté énergétique (qui anime, avec quels moyens ?) ; la vie de l’ACC sur le long terme (comment viser l’amélioration continue ?). Autant de points de vigilance à avoir en tête avant de sauter le pas.

Car si l’autoconsommation collective peut s’avérer très intéressante pour les acteurs locaux qui veulent se réapproprier la production d’énergie, elle n’est pas vertueuse en elle-même. Elle le devient, à condition de respecter certains fondamentaux garantissant la mise en place d’une réelle coopération locale, qui profite à l’ensemble de la communauté.

Les 5 commandements d’une ACC citoyenne vertueuse

  • Prudence sur le modèle économique

Les coûts de gestion d’une opération ACC sont plus élevés que ceux d’une centrale en vente totale : une réalité à prendre en compte. Il faut aussi garder à l’esprit que les participants risquent de quitter l’opération si le prix de marché de l’électricité est considéré plus intéressant. 

  • Solidarité et inclusion 

L’opération d’ACC doit être ouverte aux habitants qui n’ont pas investi dans les centrales de production. Si ce n’est pas le cas, alors l’échange d’une énergie renouvelable et locale à coût maîtrisé devient un privilège qui exclut les citoyens qui n’ont pas de capacité d’investissement. Prévoir une montée au capital progressive, ou un montant modique de la part sociale sont également des solutions à envisager. Il est également possible de mettre en place des dispositifs d’inclusion à destination des consommateurs avec des tarifs préférentiels pour les plus précaires ou des dons. 

  • Animation de la communauté

Afin que l’opération soit synonyme d’une appropriation des enjeux, d’efforts de sobriété énergétique et d’une gouvernance citoyenne de l’énergie, des moyens doivent être mis sur l’animation de la communauté, pour assurer la montée en compétences et la participation active de l’ensemble des participants

  • Transparence et équité sur le prix de vente

Il est impératif de fixer un prix juste de vente de la production, en toute transparence et avec une méthodologie connue de tous, pour assurer l’engagement de l’ensemble des parties prenantes sur le long terme et que tout le monde, producteurs comme consommateurs, s’y retrouvent.

  • Défense de la péréquation tarifaire nationale

Nous encourageons les ACC citoyennes à ne pas souscrire au TURPE spécifique pour l’électricité autoconsommée, afin de contribuer au financement du réseau électrique. 

Ils ont sauté le pas : deux exemples d’ACC citoyennes

Il n’existe pas de modèle d’ACC unique, chaque montage répondant à des objectifs et contraintes différentes. Voici deux opérations citoyennes qui peuvent vous inspirer !

ACOPREV Centrales Villageoises du Val de Quint (26)

La SAS ACOPREV Centrales Villageoises du Val de Quint a mis en service sa première opération d’autoconsommation collective en octobre 2020. Elle exploite une installation photovoltaïque de 30 kWc dont la production est directement vendue à 24 habitants de Saint-Julien-en-Quint, parmi lesquels des particuliers, des agriculteurs, un restaurant et la mairie. La production solaire locale couvre environ 20 % des besoins en électricité de ces clients.

L’électricité produite est vendue à un tarif de 6,5 c€/kWh, auquel il faut ajouter taxes (TVA, CSPE, TICFE…) et TURPE avant de le facturer aux consommateurs. Ce tarif avantageux a pu être obtenu grâce à des aides à l’investissement qu’a perçues la SAS. Il permet de garantir aux consommateurs que leur facture n’augmentera pas. L’analyse des flux et la facturation permet à chaque consommateur de suivre en ligne sa consommation et la part autoconsommée localement.

 La SAS travaille actuellement sur l’extension du projet à une maille plus large, afin d’inclure les 5 autres communes du territoire dans l’opération d’autoconsommation collective. Cette extension devrait être facilitée par l’obtention d’une dérogation permettant d’agir dans un diamètre de 20 km.

Le projet ECLAIRS de la coopérative citoyenne CIREN (Rennes)

Le projet ECLAIRS, ce sont deux boucles d’autoconsommation collective sur Rennes Sud, reposant sur une production locale d’énergie photovoltaïque. L’électricité produite est consommée par des particuliers, collectivités et entreprises.

Avec l’appui de la Région Bretagne et du fonds européens FEDER, une dizaine de centrales ont été déployées entre 2022 et 2023 par la coopérative CIREN. Une puissance de 500 kWc photovoltaïques a été installée sur des toitures privées et publiques, soit près de 1250 panneaux solaires, correspondant à la consommation de plus de 150 ménages. Pour couvrir les quartiers ciblés tout en respectant la réglementation française, deux boucles ont été créées, chacune sur un périmètre de 2 km.

Chaque consommateur signe un contrat avec CIREN, tout en maintenant son contrat existant avec son fournisseur habituel. On y définit le volume maximum de kWh qui pourra être livré par CIREN – et donc, autoconsommé. L’association Énergie du Pays de Rennes joue le rôle de PMO et d’animatrice du projet auprès des citoyens participants. CIREN est appuyée par le bureau d’études Cohérence Énergies, qui gère le volet ingénierie.

Le témoignage CIREN

« Avec un tarif de 15 c€/kWh (taxes incluses, hors TURPE), nous sommes très compétitifs par rapport au marché, et nous n’avons donc aucun problème pour trouver des consommateurs. Au contraire, nous avons une liste d’attente conséquente… ».

Ces questions sur l’ACC que tout le monde se pose

  • L’ACC se limite-t-elle au photovoltaïque ?

Si les centrales solaires sont majoritaires (toitures, ombrières, centrales au sol), d’autres sources d’énergie renouvelable peuvent faire l’objet d’une ACC.  Par exemple, la commune de Dun, dans la Meuse, a mis en place une ACC patrimoniale grâce à la réhabilitation d’une centrale hydroélectrique. En mars 2024, l’autoconsommation collective s’est ouverte au biogaz, pour encourager les petites exploitations à la méthanisation. On peut aussi imaginer une ACC basée sur l’énergie éolienne, ou sur un mix de sources d’énergie. Les possibilités sont nombreuses, dans la limite des possibles matériels et réglementaires !

  • L’électricité est-elle nécessairement moins chère dans une ACC ?

Comme nous l’avons déjà précisé : pas forcément.  Chaque modèle d’ACC étant unique, une étude est indispensable pour s’assurer de la rentabilité d’une future opération. Pas de miracle ici, l’ACC demeure donc une possibilité parmi d’autres. Une chose est sûre : le choix de l’ACC s’inscrit dans une logique de maîtrise du coût des factures avec un tarif de l’électricité mieux corrélé au coût de production et donc moins soumis à des logiques spéculatives ou chocs géopolitiques.

  • L’ACC est-elle synonyme de sobriété ?

Possiblement, mais pas automatiquement. Elle force néanmoins à réfléchir à ses consommations, par exemple, à utiliser l’électricité lors des pics de production et à réduire son usage en dehors, à comprendre la consommation des appareils ménagers, à privilégier les bons gestes grâce à des solutions de pilotage, etc. Dans tous les cas, coupler un projet d’ACC à une sensibilisation à la sobriété tombe sous le sens, et s’avère indispensable dans le cadre d’une ACC citoyenne.

L’expertise réseau d’Énergie Partagée pour vous épauler

Se lancer dans l’ACC est souvent intimidant, en raison de la complexité du montage et des nombreuses interrogations qu’un tel projet soulève. Bonne nouvelle : des pionniers font figure d’éclaireurs ! En janvier 2024, Énergie Partagée recense plus de 85 opérations citoyennes d’autoconsommation collective, à différents stades d’avancement, avec plus de 4500 consommateurs motivés à intégrer ces circuits courts de l’énergie. Sept d’entre elles sont en exploitation.

Riches de ces retours d’expériences et forts de notre réseau d’acteurs régionaux, nous accompagnons les territoires et les citoyennes et citoyens candidats au circuit court de l’énergie, partout en France, pour leur permettre de se lancer dans les meilleures conditions. Rejoindre le réseau Énergie Partagée, c’est rejoindre une dynamique collective, des partages d’expérience et de nombreuses ressources :

  • Être accompagné par un animateur régional (13 réseaux régionaux) pour identifier les montages possibles pour son projet et être mis en relation avec les bons partenaires.
  • Développer une vision éthique de l’ACC en y intégrant une véritable participation à la gouvernance de l’ensemble des acteurs, une tarification équitable, une incitation aux économies d’énergie, un portage collectif des investissements, etc. 
  • Un Guide méthodologique pour se plonger dans les subtilités de l’ACC, bénéficier des premiers retours d’expériences et avoir tout à un seul endroit ! (réservé aux adhérents)
  • Se former au fil de l’eau en accédant à une série de webinaires sur le montage de projets et en participant à nos formations en présentiel. Découvrez le programme ici.
  • Bénéficier d’un réseau d’entraide entre porteurs débutants et confirmés : liste de discussion dédiée, webinaires, journée d’échanges, etc.. (réservé aux adhérents)
  • S’assurer d’une veille règlementaire pour suivre les évolutions d’un secteur en grande mutation. (réservé aux adhérents)
  • Avoir accès à des documents-type : statuts, contrats de vente, outils de simulation, demande de dérogation, etc. (réservé aux adhérents)

 

Pour y voir plus clair, participez à l’une de nos visioconférences ouvertes à tous : vous trouverez sans doute des réponses à vos (nombreuses) questions.

 

Par sa capacité à créer une coopération très locale entre producteurs et consommateurs, l’ACC est un modèle qui séduit de plus en plus. Si tout le monde (habitants et habitantes, collectivités, entreprises) peut se lancer, le modèle économique doit faire l’objet de la plus grande attention pour s’assurer de la rentabilité de l’opération. La vigilance s’impose particulièrement pour les ACC citoyennes, qui doivent prendre en compte des critères extra-financiers et réfléchir aux moyens qui seront mis en œuvre pour garantir le caractère participatif, vertueux et solidaire des opérations, générant de réels bénéfices pour l’ensemble de la communauté.

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