Énergie Partagée s’engage pour essaimer les outils de tiers-financement de projets citoyens en Europe
Énergie Partagée Investissement est aujourd’hui reconnu en Europe comme un modèle de référence du tiers-financement des projets citoyens d’énergie renouvelable en Europe. Avec REScoop et Energie Samen, nous accompagnons l’émergence d’outils de tiers-financement dans d’autres pays européens.
La logique même de l’énergie citoyenne conduit les projets citoyens d’énergie renouvelable à chercher prioritairement leur financement par des levées de fonds auprès de la population locale. L’objectif est de fédérer des sociétaires qui investissent directement dans le projet, et s’impliquent à des degrés divers dans sa gouvernance ou l’animation de sa dynamique. C’est ce qu’on appelle le financement direct.
Lorsqu’ils existent, des outils de tiers-financement citoyen peuvent également compléter le financement du projet Un outil de tiers-financement investit dans un projet des fonds qui lui ont été confiés par des tiers, qui n’ont eux-mêmes pas d’intérêt direct (au sens juridique du terme) dans le projet financé. Énergie Partagée Investissement est un exemple de ce type d’outil.
Intelligemment articulées, ces deux modalités de financement sont complémentaires. En effet, le financement direct, s’il peut suffire pour des projets d’ampleur limitée, s’avère généralement insuffisant pour des projets d’envergure, comme les parcs éoliens citoyens, qui impliquent des millions d’euros d’investissement. Le tiers-financement peut aussi avancer des fonds pour rendre possible le développement d’un projet citoyen, avant qu’une dynamique locale de financement direct émerge pour s’y substituer. Il permet également de mutualiser des risques entre les projets ainsi que de l’expertise qui est alors disponible pour tous.
Mutualiser les démarches de tiers-financement citoyen à l’échelle européenne
Les modalités, outils et bonnes pratiques de financement direct ont déjà fait l’objet de travaux au niveau national dans de nombreux pays de l’UE (dont la France évidemment), et à l’échelle européenne, via notamment le projet européen SCCALE 20-30-50 (avec un guide en anglais sur le financement des projets d’énergie citoyenne).
Mais le tiers-financement, lui, n’avait encore jamais fait l’objet d’une démarche de capitalisation et de partage des outils et pratiques à l’échelle européenne. Or, plusieurs coopératives et fédérations des EnR citoyennes dans d’autres pays européens (Allemagne, Croatie, Roumanie, Pays Basque espagnol, Belgique) cherchent à s’inspirer des modèles de tiers-financement citoyen déjà éprouvés afin de mettre en place des montages adaptés à leurs pays.
De leur intention est né le projet européen ACCE (Access to Capital for Community Energy, c’est-à-dire Accès au Financement pour l’Energie Citoyenne), piloté par REScoop, la fédération européenne des coopératives d’énergie renouvelable, dont Énergie Partagée est membre.
Depuis son lancement fin 2022, Énergie Partagée joue un rôle central dans ce projet. En effet, Énergie Partagée Investissement est l’un des deux outils de financement pris en exemple, avec la coopérative Energie Samen aux Pays-Bas, pour aider nos partenaires européens.
Plusieurs raisons motivent cette envie de déployer des modèles similaires aux nôtres :
- la collecte d’épargne locale ne suffit pas toujours à financer la totalité du projet envisagé
- des coopératives, confrontées à une charge de travail trop importante ou des manques d’expertise, souhaitent un appui dans la structuration de leur recherche de financement
- le niveau de risque élevé de la phase de développement notamment conduit à chercher un “effet portefeuille” et de solidarité entre projets : un financement mutualisé permet de partager les risques entre plusieurs projets portés par différentes communautés citoyennes (certains aboutiront, d’autres non)
Apporter du financement complémentaire aux projets citoyens : nous partageons notre expertise
Depuis novembre 2022, ce partage d’expertise s’est mis en place : les partenaires européens moins avancés sur certains sujets bénéficient déjà concrètement de nos outils, du transfert de nos connaissances, d’un réseau de mentorat dont nous faisons bien sûr partie, etc. Nous contribuons à ce travail collectif de multiples manières :
- nous clarifions et partageons nos offres de financement : l’offre d’Énergie Partagée Investissement en construction/exploitation, l’offre EnRciT en développement, le dispositif conjoint Énergie Partagée Investissement / La Nef pour les plus petits projets, notamment à travers une structure commune de Business Model Canvas
- nous partageons (en anglais dans le Best Practice Report du projet ACCE) nos difficultés et les bonnes pratiques que nous avons identifiées à travers le financement de nos plus de 150 projets
- nous expliquons comment créer un outil de tiers-financement citoyen (en anglais dans le Self-Management Guide du projet ACCE, accompagné d’une infographie qui synthétise les étapes à franchir)
- nous partageons nos pratiques, notamment sur le co-développement : l’alliance de plusieurs partenaires consolide les compétences autour d’un projet ; la mobilisation d’Énergie Partagée Investissement apporte du financement et des compétences mais également une posture de tiers de confiance (du fait de notre portefeuille et de notre échelle nationale, en lien avec la tête de réseau associative) qui facilite les partenariats (la note sur le Codéveloppement est en cours de traduction)
- nous contribuons au réseau de mentors pour les partenaires du projet : à travers des évènements (journée du réseau basque à San Sebastian en novembre 2023) et par le partage de nos outils (boussole des projets citoyens, grille d’analyse des projets investis, grille de risques)
- nous contribuons au plaidoyer des coopératives européennes pour mettre en lumière le formidable effet de levier que permet la mutualisation de l’épargne citoyenne (Good Energy Forum à Zagreb en avril 2024, European Sustainable Energy Week à Bruxelles en juin 2024, …)
Les caractéristiques d’un outil de tiers-financement de l’énergie citoyenne
Forts de leurs questionnements, leurs expériences et leurs pratiques, les partenaires du projet ACCE ont établi 5 dimensions qui caractérisent un outil de tiers-financement de l’énergie citoyenne.
La cible du financement : quel type de projet cet outil finance-t-il ?
En France, le Label Énergie Partagée permet de définir les projets citoyens à partir d’un ensemble de caractéristiques. Aux Pays-Bas, c’est la structure de coopérative et sa détention à au moins 50 % par des citoyens locaux qui est le critère déterminant la possibilité d’un financement. Quel que soit le contexte national, il s’agit donc de bien définir ce qui rend les projets éligibles au financement proposé.
La provenance des fonds
Le financement public peut être un levier pour atteindre des objectifs entérinés par les institutions politiques, comme le développement des projets citoyens, mis en avant par les directives européennes.
Ce financement peut se matérialiser assez classiquement sous forme de subventions. Mais il peut aussi représenter un volume d’investissement directement alloué à un opérateur citoyen. C’est le cas d’Energie Samen, qui utilise les fonds publics qui lui sont confiés pour mettre en place des prêts sans risque à destination des projets citoyens en développement. Certains projets peuvent ne pas aboutir et n’ont alors rien à rembourser ; mais les projets qui réussissent remboursent le prêt, assorti d’une prime de succès, au moment de leur construction et de leur financement bancaire final. Ainsi aucun argent public n’est perdu au final. Et le remboursement des prêts et primes de succès permet, au bout d’un cycle court de seulement 2 à 4 ans, de financer de nouveaux projets.
Le financement privé peut également être un levier important, notamment s’il s’agit d’épargne citoyenne. Évidemment, Énergie Partagée Investissement incarne ce paradigme, avec une quarantaine de millions d’euros levés auprès de 7500 actionnaires et investis depuis sa création en 2010. La réplication de ce modèle doit se faire avec une vigilance quant aux objectifs et à la gouvernance de la structure qui gère et alloue les fonds collectés : l’auto-détermination des projets citoyens doit être préservée, et tout « greenwashing citoyen » doit être soigneusement écarté.
Quel que soit le type de financement, la transparence sur la provenance des fonds est primordiale.
L’organisation qui gère cet outil de tiers-financement
Afin de répondre de façon concrète et adéquate aux besoins des projets citoyens d’énergie renouvelable, l’organisation qui gère les fonds doit avoir la capacité à identifier et atteindre ces projets. Elle doit aussi être dotée des compétences et expertises nécessaires pour comprendre leurs spécificités et leurs problématiques, et les aider à surmonter les freins et les obstacles pour avancer.
Un outil de tiers-financement n’est véritablement utile que s’il parvient à être un dispositif pérenne au service de l’énergie citoyenne. Sa stratégie de financement et ses prévisions de flux financiers doivent être conçues de sorte à assurer cette pérennité. Notamment, le modèle économique qui en résulte doit être suffisamment robuste pour garantir une pérennité du dispositif dans le temps, et éviter aux projets financés des réorientations soudaines (dues à un changement de stratégie). C’est à cette condition notamment que l’organisation pourra être un partenaire stable de long terme pour les porteurs de projets.
Pour répondre à ces deux enjeux, il est nécessaire que cette organisation intègre une représentation d’un réseau de projets citoyens. Plusieurs configurations se sont révélées possibles parmi les partenaires du projet ACCE. Le cas d’Energie Partagée Investissement, géré par Energie Partagée Coopérative et qui adhère à la Charte fondatrice, en est un exemple.
Le partage des connaissances
Des mécanismes de partage de connaissances sont un des pivots clés de la réussite des projets citoyens d’énergie renouvelable, car cette typologie de projets n’est pas portée par des professionnels du secteur.
Les outils de financement se sont révélés être aussi des apporteurs de connaissances. En effet, via leur action, ils développent des connaissances spécifiques sur le financement et sur les projets de grande ampleur. Ils construisent des connaissances d’autant plus solides et opérationnelles qu’elles sont appuyées sur le croisement et la mutualisation des expériences accumulées sur un nombre conséquent de projets.
Ainsi une caractéristique majeure d’un outil de financement citoyen est la consolidation des connaissances et leur partage avec les acteurs citoyens dans les projets : apporter non seulement du financement, mais aussi de l’expertise.
Le produit de financement proposé
Subventions, dette, capital et comptes courants : tous ces produits financiers sont pertinents pour financer les projets citoyens d’énergie renouvelable. Et dans tous les cas, les bénéfices collectifs (sociaux, environnementaux et économiques) doivent être prioritaires sur le seul rendement financier, afin d’éviter que ces produits financiers deviennent des objets spéculatifs.
Comment accélérer le tiers-financement de l’énergie citoyenne ?
À l’échelle d’une région ou d’un pays, un outil de tiers-financement comme Énergie Partagée Investissement apporte un financement et des connaissances supplémentaires aux structures citoyennes locales.
Pour faciliter le déploiement de ce type d’outils dans d’autres pays :
- Le Financial Handbook (manuel de financement) identifie toutes les barrières à l’accès au financement ainsi que des solutions mises en œuvre pour les franchir.
- Le Self-Management Guide (guide de mise en œuvre) guide alors les structures citoyennes pour mettre en place un outil de financement citoyen.
À l’échelle de l’Europe, des capitaux et des fonds de l’Union Européenne pourraient être disponibles et bénéficier aux projets citoyens. Le projet ACCE permet également d’identifier ces financements et d’en abaisser les barrières grâce :
- à une analyse complète, désormais disponible, du cadre législatif et réglementaire qui encadre les outils de financement citoyen, et notamment un focus spécifique qui identifie les configurations dans lesquelles les États membres peuvent légitimement mettre en place des aides d’État spécifiques aux projets citoyens, sans qu’elles soient considérées comme des distorsions de concurrence.
- au travail (encore en cours) sur la structuration d’un intermédiaire européen pour faciliter l’accès aux capitaux et fonds de l’Union Européenne par les outils nationaux de financement citoyen.