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[Interview] Paola Criqui, présidente des Centrales Villageoises Pays de Saverne

CVPS-Saverne-ecole-des-Gravieres

Parce qu’une des manières de monter un projet est de s’inspirer de ceux déjà existants, Énergie Partagée a interrogé des personnes impliquées dans la production d’énergie renouvelable citoyenne, afin qu’elles partagent leur expérience pour en faire profiter les projets émergents.

Paola Criqui est présidente des Centrales Villageoises Pays de Saverne, créées en 2017 par des citoyens et les collectivités locales.

Peux-tu présenter les Centrales Villageoises Pays de Saverne ?

La société Centrales Villageoises Pays de Saverne a été créée en 2017, par un groupe de citoyen·ne·s appuyé par les collectivités locales. Elle compte à ce jour 145 sociétaires et œuvre pour le développement des énergies renouvelables sur le Pays de Saverne, en Alsace.

On a fait le choix du photovoltaïque car il offre l’avantage d’une mise en service d’installations relativement rapide, rendant ainsi visible la démarche, et permet également d’associer facilement la population, au travers du financement par l’achat d’actions.

On a commencé en 2018 par l’installation d’une première tranche sur quatre toitures de bâtiments publics : une mairie, deux écoles et le club-house du Football Club de Saverne en 2019. Puis on a poursuivi avec l’équipement d’une entreprise et de deux autres écoles, dont l’une sur laquelle sont installés 312 panneaux, d’une puissance totale de 100 kWc, notre plus grosse réalisation à ce jour !

Une école a ensuite souhaité étendre l’équipement photovoltaïque sur son préau, dont la toiture devait être rénovée, et début 2022, on met en service une installation sur le petit bâtiment technique d’une station d’épuration. Contrairement à nos précédents projets, celui-ci sera entièrement en autoconsommation, les panneaux couvriront environ 17 % des besoins du site d’épuration.

L’école de Dossenheim

Nous allons d’ailleurs être poussé·e·s à travailler sur d’autres modèles comme l’autoconsommation, individuelle ou collective, à cause de l’évolution de la réglementation, qui interdit de cumuler tarif d’achat garanti et subvention publique.

En savoir plus sur les Centrales Villageoises Pays de Saverne

Aurais-tu une anecdote insolite à partager ?

En 2020, j’ai reçu une alerte sur une installation qui ne fonctionnait plus, sur le bâtiment du club de foot ; la totalité du site avait disjoncté, personne ne l’avait remarqué et c’est moi qui ai prévenu ! Ça aurait pu être une catastrophe pour ce lieu de convivialité, équipé de nombreux appareils électriques et électroménagers comme des frigos et congélateurs, heureusement qu’il y avait la centrale ! Je me sers parfois de cette histoire comme un argument de plus pour inciter les propriétaires à mettre à disposition leur toiture !

Le football club de Saverne

Quels sont selon toi les points forts des Centrales Villageoises Pays de Saverne ?

Je dirais que notre point fort est de répondre réellement aux enjeux du territoire, en termes de transition énergétique. On représente une vraie solution pour les collectivités ; bien sûr elles pourraient faire elles-mêmes, mais elles ont plein d’autres obligations et ne peuvent pas toujours investir.

C’est pour ça que sur les 9 toitures qu’on a équipées, une seule est privée, et c’est le propriétaire qui a sollicité les CV Pays de Saverne, car on ne fait pas de prospection auprès des privés. Je considère que c’est un enrichissement du patrimoine mais tout le monde ne le voit pas comme ça !

Comme pour tout projet citoyen d’énergie renouvelable, la dimension citoyenne et territoriale est très importante. Les habitant·e·s se sentent concerné·e·s par le local, par les écoles de leurs enfants, par le développement économique de leur territoire. Mais les projets doivent être rentables car il y a des actionnaires derrière, même si c’est un investissement écoresponsable, pour certain·e·s, ça reste un placement.

Quels conseils donnerais-tu à des personnes qui souhaiteraient monter un projet similaire d’énergie citoyenne ?

Un des premiers points, qui est fondamental, c’est de créer un partenariat avec les collectivités locales, dont le soutien est indispensable, pour diffuser l’info, récolter des contacts, avoir une garantie bancaire, etc.

Ensuite, c’est comme un fonctionnement associatif : il faut être quelques personnes au Conseil de Gestion pour se répartir les tâches, la compta, la technique, etc. Mais pas besoin d’être trop nombreux pour démarrer ; on était cinq à la base, et une quinzaine ont assisté aux réunions depuis le début. Par la suite, ça peut être important de trouver de nouveaux bénévoles, selon les projets que l’on souhaite développer.

La toiture de l’entreprise Fritz-Volpillière à Monswiller

Et enfin, dernier conseil : la persévérance ! Parce que ça prend du temps, ce n’est pas immédiat, mais on y arrive étape par étape. Il ne faut pas se décourager.

Le gros problème aujourd’hui, c’est l’évolution tarifaire du rachat d’électricité, qui ne permet plus les mêmes marges. Il faut donc trouver un nouveau modèle économique et ce n’est pas facile. L’absence de subvention nous inquiète un peu, mais nos installations fonctionnent, on pourra continuer à investir malgré tout ; si on devait lancer le projet aujourd’hui, ça serait une autre affaire ! Ou alors, il faut démarrer sur un autre modèle, en oubliant la revente d’électricité et en partant directement sur de l’autoconsommation. Je ne veux pas être pessimiste mais je ne vois pas trop d’autre solution…

Quelle est ton expérience en tant que femme dans ce projet ?

Je ne saurais pas vraiment dire si c’est en tant que femme que j’agis, je ne m’interroge pas vraiment là-dessus. C’est un domaine technique mais ça ne m’a pas fait peur. J’ai une grande curiosité, j’aime apprendre et explorer. J’étais chercheur (je ne sais pas si ce mot se dit au féminin !) en biochimie et génétique au CNRS, toucher à d’autres domaines ne me fait pas peur, même si je suis une vraie bille en électricité !

Il faut savoir s’entourer, c’est peut-être féminin comme qualité ! J’ai cherché et sollicité des personnes pour leurs compétences, pour rejoindre le Conseil de Gestion. Sur 10 personnes, je suis la seule femme.

« Je regrette quand même qu’il n’y ait pas plus de femmes impliquées, pourtant je les sollicite mais peut-être qu’elles ne se sentent pas concernées, l’aspect technique est peut-être un frein ? »

Même au sein des élu·e·s, je n’ai pas ressenti de problématiques liées au fait d’être une femme, peut-être parce que j’ai moi-même été adjointe au maire, chargée du développement durable, donc je connais très bien le territoire, ça a beaucoup facilité les choses.

Ce qui m’intéresse le moins est la gestion technique des centrales. Par contre, chercher de nouveaux projets, prendre des contacts, innover, c’est le genre de choses qui m’intéressent !

Je regrette quand même qu’il n’y ait pas plus de femmes impliquées, pourtant je les sollicite mais peut-être qu’elles ne se sentent pas concernées, l’aspect technique est peut-être un frein ? J’ai grimpé sur tous les toits qu’on a installés, j’avais besoin de voir, mais n’importe qui ne va pas le faire !

La mairie de Thal-Marmoutier

Pour quelles raisons souhaiterais-tu recruter des femmes ?

Je pense que quand une femme s’engage dans un projet comme le nôtre, elle le fait en fonction de ses moyens, elle connaît ses limites. De tout temps les femmes ont dû gérer le boulot, le quotidien, la famille, elles savent ce qu’elles peuvent faire ou pas. En général, si je vois que je ne peux pas m’engager, je le dis. Les hommes ont souvent très envie de faire mais n’arrivent pas toujours à être au clair sur leur capacité d’engagement, à évaluer leur degré de disponibilité, et ils se rétractent plus facilement.

Je dois souvent relancer les petits groupes de travail, si on veut que les choses avancent ! Je suis assez dynamique et entreprenante et je me dis que peut-être ils se reposent sur moi… Au bout d’un moment, j’arrête de me poser des questions et je fais.

Cela fait aussi partie des difficultés rencontrées dans beaucoup d’associations, les personnes bénévoles ne sont pas assez nombreuses, leur temps est limité, etc. Au Conseil de Gestion, la majorité sont encore en activité et non à la retraite. Mais on va sûrement réussir à recruter de nouvelles personnes ! C’est une activité gratifiante ; j’y trouve une forme de reconnaissance, ça me donne une existence sociale et professionnelle, peut-être est-ce quelque chose de féminin, de rechercher cela sous cette forme ?

Soutien financier

Énergie Partagée a bénéficié d’un soutien financier du Fonds Social Européen pour l’élaboration de cette page web.

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