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La méthanisation selon Énergie Partagée

Pertinence au regard du climat ? Concurrence avec les cultures alimentaires ? Intensification de l’agriculture ? Mauvaises odeurs ? Énergie renouvelable méconnue, la méthanisation soulève légitimement bien des questions. Nous vous expliquons les points de vigilance à avoir selon Énergie Partagée.

Photo © Frédéric Berthet

La méthanisation et le biogaz : de quoi parle-t-on ?

En quoi consiste le processus de méthanisation ?

La méthanisation consiste à produire du biogaz par la décomposition anaérobie (c’est-à-dire en l’absence d’oxygène) de matières organiques. Cette réaction (qui a également lieu spontanément en milieu naturel), est conduite dans une installation dédiée, qu’on appelle un méthaniseur.

Composé principalement de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2), ce biogaz peut être injecté dans le réseau gazier, après purification lui permettant d’atteindre une teneur d’au moins 97 % de méthane. Il peut également être brûlé pour produire sur place de la chaleur et de l’électricité (c’est ce qu’on appelle la cogénération), ou encore utilisé comme carburant pour des véhicules.

InfoMetha.org - Schéma de composition du biogaz obtenu par méthanisation

La méthanisation génère également un résidu fluide, le digestat, qui est utilisé pour amender et fertiliser les sols des exploitations agricoles, en leur apportant de l’azote facilement assimilable par les plantes, du carbone et des minéraux.

Quels sont les usages énergétiques du biogaz ?

Après l’avoir épuré pour en extraire le CO2, le biogaz est prioritairement valorisé sous forme de biométhane injecté dans les réseaux de gaz. Le biométhane est équivalent au gaz fossile que la France importe en totalité (1). Le réseau gazier existant, interconnecté à travers l’Union Européenne, permet la distribution du biométhane à large échelle, ainsi que son stockage.

Si l’unité de méthanisation est éloignée de plus de 10 à 15 km (sans obstacle du type rivière, autoroute, voie ferrée) du réseau de gaz, l’injection de biométhane devient trop onéreuse, le coût de construction d’un kilomètre supplémentaire de réseau étant de l’ordre de 100 000 €. Le biogaz est alors valorisé par cogénération : il est utilisé comme combustible pour alimenter un moteur qui produit simultanément de l’électricité, autoconsommée ou injectée dans le réseau électrique, et de la chaleur, qui est valorisée localement (réseaux de chaleur, séchage de matières, process industriels, …).

Le biométhane peut également être utilisé comme carburant, le BioGNV (biométhane utilisé en remplacement du Gaz Naturel Véhicule). En général, le biométhane est d’abord injecté dans le réseau gazier, puis compressé ailleurs, dans des stations de distribution reliées au réseau, et distribué sous forme de GNC (Gaz Naturel Compressé). (2) Cependant, il peut aussi être délivré localement dans des stations implantées à proximité immédiate des méthaniseurs (voir l’exemple de Méthamoly).

Schéma de la filière méthanisation (source : idf.chambre-agriculture.fr)
Schéma de la filière méthanisation (source : idf.chambre-agriculture.fr)

La méthanisation est-elle vertueuse au regard des enjeux climatiques ?

Une énergie renouvelable, locale et relativement peu émettrice de gaz à effet de serre

Le gaz représente 20 % de l’énergie finale consommée pour différents usages (résidentiel, tertiaire, mobilité), et sa combustion génère 20 % des émissions de gaz à effet de serre de la France. (3)

Or, le biométhane émet beaucoup moins de gaz à effet de serre (GES) que le gaz fossile, 6 à 8 fois moins selon l’Ademe. (4)

Affiche sur la méthanisation par Charlotte Howland (EMI, promotion 2023)

Comme l’expliquent négaWatt et Solagro, s’il dégage la même quantité de CO2 que du gaz fossile en étant brûlé lors de son usage, le biométhane n’émet que du CO2 provenant de matières biodégradables contemporaines, qui par définition se seraient de toute façon décomposées par une autre voie, si elles n’avaient pas été méthanisées. (5) (6) Alors qu’utiliser du gaz naturel, c’est relarguer dans l’atmosphère du CO2 qui était stocké sous terre depuis des centaines de millions d’années.

La méthanisation permet donc de substituer une ressource locale, renouvelable et bien moins émettrice de GES, à un combustible fossile importé à 100 %.

Le biométhane émet 6 à 8 fois moins de gaz à effet de serre que le gaz fossile.

La méthanisation réduit les émissions de GES des fumiers et lisiers

De surcroît, la méthanisation réduit les émissions de GES liées aux pratiques agricoles actuelles. En effet, les effluents d’élevage (fumiers, lisiers) sont habituellement stockés à l’air libre pendant plusieurs semaines, dans des fosses ouvertes. Ils émettent alors du protoxyde d’azote (N2O) et du méthane, qui sont de puissants gaz à effet de serre. Se faisant dans un délai de 8 à 10 jours maximum, l’incorporation des effluents dans les digesteurs permet d’éviter la majorité de ces émissions. Bien sûr, il faut donc éviter de stocker les intrants à l’air libre sur le site de méthanisation avant leur incorporation dans les digesteurs. Pour cette raison, Énergie Partagée impose un stockage étanche des intrants pour les projets que nous finançons.

Une indispensable vigilance pour restreindre au maximum les fuites de méthane

La méthanisation force la production de méthane à partir de matières dont la dégradation à l’air libre (donc en présence d’oxygène) aurait plutôt produit du CO2. Le méthane a une durée de vie dans l’atmosphère bien plus courte que celle du CO2, mais un pouvoir de réchauffement (aussi appelé “potentiel de réchauffement global” ou PRG) environ 25 fois supérieur. (7)

Les méthaniseurs doivent donc être conçus et contrôlés pour limiter au maximum les fuites de méthane vers l’atmosphère ; des fuites trop importantes pourraient annuler les réductions d’émissions de GES normalement attendues avec la méthanisation. La filière a élaboré des guides de bonnes pratiques (en exploitation et maintenance), continuellement améliorés, pour maintenir ces émissions à un faible niveau. Ces bonnes pratiques font bien évidemment partie des critères imposés par Énergie Partagée aux projets que nous co-finançons et intégrés à notre Charte Méthanisation.

Limiter la distance parcourue par les intrants pour maîtriser les émissions de GES

Comme le relèvent les associations négaWatt et Solagro, « la plupart des unités de méthanisation sont localisées à proximité des fermes et de leurs effluents : en moyenne souvent autour de 5 kilomètres ». Le transport des effluents des fermes se fait sur de courtes distances, et représente une part marginale des émissions globales de GES induites par la méthanisation.

Affiche sur la méthanisation par Mathieu Poupon (EMI, promotion 2023)

La distance maximale d’approvisionnement d’un méthaniseur est souvent limitée par les contraintes économiques. Cependant, pour des matières à fort potentiel en termes de production de biométhane, le frein économique n’est pas toujours suffisant pour contraindre à des distances d’approvisionnement raisonnables. Énergie Partagée considère de ce fait qu’un garde-fou supplémentaire est nécessaire. Sauf cas particuliers pour lesquels la pertinence doit être avérée, nous exigeons un rayon d’approvisionnement de 30 km au maximum.

La méthanisation concurrence-t-elle les cultures alimentaires ?

Avec quelles matières organiques alimente-t-on un méthaniseur ?

Les matières organiques méthanisées, qu’on appelle les intrants, sont de diverses natures. En premier lieu des déchets et résidus (fumiers, lisiers, résidus de cultures, déchets verts, déchets agroalimentaires) mais aussi des co-produits (ex : pulpe de betterave), ainsi que des cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) qui protègent et nourrissent les sols entre les cultures alimentaires successives. Ces CIVE doivent être sélectionnées et cultivées de façon adaptée aux conditions locales, pour ne pas desservir les cultures principales à vocation alimentaire et ne pas nécessiter de produits phytosanitaires ni d’irrigation.

Ne surtout pas consacrer des parcelles cultivées à la méthanisation

L’autonomie alimentaire des territoires est un enjeu majeur de notre époque, et la production agricole subit d’ores et déjà les effets néfastes du dérèglement climatique, qui vont aller croissant. Il est donc crucial que les cultures alimentaires ne soient pas significativement remplacées par des cultures destinées à la production d’énergie.

C’est une dérive qui a été observée en Allemagne, qui s’est équipée massivement de méthaniseurs bien avant la France, avec des dispositifs de soutien tarifaire qui ont favorisé le développement d’une culture massive de maïs destiné à la méthanisation. L’Allemagne utilise près d’un million d’hectares de cultures dédiées à la méthanisation. Le pays a toutefois infléchi sa politique de soutien à la méthanisation, au vu des effets néfastes de ce modèle sur les pratiques culturales et sur l’économie du foncier agricole.

La France a tiré les leçons des dérives constatées outre-Rhin et n’a pas du tout adopté la même stratégie de soutien à la méthanisation. D’une part, la règlementation limite à 15 % maximum la part des intrants provenant de cultures principales, c’est-à-dire remplaçant de fait une production destinée à l’alimentation humaine ou animale. On peut interroger le niveau de ce plafond règlementaire, qui paraît encore élevé. Néanmoins, dans les faits, cette proportion est d’environ 5 %.

Des cultures intermédiaires qui bénéficient au sol et produisent de l’énergie

La méthanisation peut valoriser les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE), qui sont à distinguer strictement des cultures principales consacrées à la méthanisation. Ces cultures, récoltées avant d’atteindre leur maturité, s’intercalent entre les cultures principales successives, et peuvent être conduites sans leur faire concurrence. Des dérives sont cependant possibles, et doivent être contrôlées et découragées.

Couvrir le sol entre deux cultures alimentaires au lieu de le laisser à nu fait partie des bonnes pratiques essentielles en agroécologie. Cela permet de réduire l’érosion du sol et le lessivage des nitrates vers les cours d’eau et nappes phréatiques, d’offrir un milieu plus favorable à la biodiversité, de favoriser l’absorption d’azote et l’apport en carbone dans le sol. Les CIVE maintiennent un couvert végétal ; en leur conférant une valeur économique, la méthanisation incite donc à cette pratique vertueuse.

Les parties aériennes des CIVE sont récoltées pour alimenter les méthaniseurs, tandis que leurs parties souterraines sont laissées sur place pour apporter matières organiques et minéraux aux sols. Tous les minéraux “exportés” vers les méthaniseurs via les parties aériennes des CIVE reviennent dans les sols par le biais des digestats, qui, plus largement, contiennent et rendent au sol une grande partie des matières organiques « exportées », nécessaires à la formation de l’humus.

La méthanisation provoque-t-elle une intensification de l’agriculture ?

La méthanisation permet de réduire l’usage des engrais de synthèse et des phytosanitaires

Le digestat, résidu de la méthanisation, est composé principalement de matière organique, d’azote, de phosphore et d’eau. Il constitue donc un amendement et engrais azoté local et efficace pour les terres agricoles, sous réserve que l’épandage soit pratiqué dans les conditions (notamment météorologiques) adéquates et avec du matériel adapté (pendillard ou enfouisseur), dont l’usage est également nécessaire pour prévenir les risques de pollution de l’eau.

L’épandage approprié du digestat sur les parcelles permet ainsi aux agriculteurs de réduire leur usage d’engrais de synthèse. Pendant trois ans 46 fermes pratiquant la méthanisation ont été étudiées dans le cadre de l’étude MéthaLAE. (8) Première et à ce jour seule étude à comparer l’avant/après méthanisation sur un nombre conséquent de fermes, cette étude a montré que la mise en place de la méthanisation a permis en moyenne une réduction de 20 % du recours aux engrais de synthèse. Ce résultat est vraisemblablement sous-évalué, car mesuré seulement sur l’année précédant et les deux années suivant le passage à la méthanisation. Or, celle-ci implique une révision des pratiques culturales, ce qui demande plusieurs années d’appropriation et d’optimisation pour donner ses pleins résultats.

La méthanisation produit non seulement de l’énergie, mais aussi un résidu utilisable comme engrais azoté, local et naturel : le digestat.

La méthanisation prive de leur capacité de germination les graines de plantes adventices (plantes spontanées, par opposition aux plantes cultivées) qui sont présentes dans les intrants. En aval, cela réduit la pression des adventices sur les cultures, ce qui facilite la réduction du recours à des traitements phytosanitaires.

[Vidéo] Présentation du programme de recherche MéthaLAE (2015-2018)

Cette brève vidéo présente la méthodologie et les objectifs de l’étude MéthaLAE dont nous rendons compte de certains résultats dans cet article.

Un atout potentiel pour l’agriculture bio

Le cahier des charges du label bio AB n’autorise pas l’apport d’azote de synthèse. Les agriculteurs en bio peuvent seulement utiliser des fertilisants comme les fientes de volailles, les farines de plume, les fumiers, et parfois le guano (forcément importé, celui-ci est constitué d’excréments d’oiseaux).

Pour les agriculteurs en agriculture biologique ou en conversion, la méthanisation ouvre donc un accès facilité et stable à une ressource locale en azote d’origine organique, qui peut permettre d’atteindre des rendements de culture plus élevés.

En France, c’est d’ailleurs chez un agriculteur bio, M. Claudepierre, qu’a été installée la toute première unité de méthanisation agricole ! (9) C’est aussi sur une exploitation en bio de polyculture et élevage (EARL de Grivée, M. Collin) qu’a été installée en 2020, à Colombey-lès-Choiseul (Haute-Marne), la première station de biométhane raccordée à un méthaniseur, et non au réseau gazier. (10)

Retour d’expérience : le GAEC des Charmes, vers une ferme bio sans pétrole

Dans cette vidéo issue d’un retour d’expérience détaillé disponible sur le site d’OSAÉ (Osez l’Agroécologie), Jules Charmoy parle de sa démarche sur sa ferme bio en polyculture élevage dotée d’un méthaniseur, avec une logique globale de relocalisation des approvisionnements, y compris en énergie et en engrais.

La méthanisation n’induit pas un modèle agricole, mais peut favoriser l’agroécologie

Certes, la méthanisation peut s’inscrire dans un paradigme agricole conventionnel et productiviste, incompatible avec les enjeux écologiques et énergétiques de notre temps. Mais, au regard des résultats de l’étude MéthaLAE et des retours d’expérience des agricultrices et agriculteurs sondés pour l’étude, la méthanisation peut tout autant constituer un levier vers le développement d’une agriculture plus écologique,

Pour alimenter un méthaniseur conséquent, un agriculteur seul peut être incité à rechercher une taille d’exploitation correspondante ; dans le cas de méthaniseurs individuels, la méthanisation peut donc favoriser l’agrandissement des exploitations et donc la concentration des terres. Cependant, même dans un tel cas, un agriculteur peut faire d’autres choix (approvisionnement extérieur en biodéchets, puissance du méthaniseur en fonction des substrats disponibles sur l’exploitation).

A contrario, un méthaniseur collectif impliquant plusieurs fermes, et en lien avec les collectivités locales concernées, à l’instar de tous les projets soutenus par Énergie Partagée, contribue à la stabilité économique et agronomique d’exploitations de petite et moyenne taille.

Sur les 46 fermes enquêtées dans l’étude MéthaLAE, la méthanisation n’a pas entraîné d’agrandissement massif des surfaces ni des cheptels. L’augmentation de la surface agricole utile, c’est-à-dire la surface consacrée à la production agricole, est de 5 %, bien inférieure à la moyenne de 12 % constatée en France sur la même période. Au contraire, par les compléments de revenus qu’elle apporte, la méthanisation a permis à certains agriculteurs de renoncer à des projets d’agrandissement.

La méthanisation n’impose pas un modèle agricole. Elle peut être mise en oeuvre de sorte à favoriser et soutenir l’agroécologie.

La méthanisation s’adapte au système agricole en place, bien plus qu’elle ne l’induit. En revanche, développée selon des modalités pertinentes, elle peut contribuer à le faire évoluer vers un système agroécologique.

On constate également qu’elle contribue à une nouvelle approche du métier d’agriculteur, certains n’hésitant pas à dire qu’ils réapprennent leur métier : plus d’attention au sol, meilleure gestion des engrais, voire autonomie, couvertures végétales et rotations des cultures…

La méthanisation collective : un facteur de coopération quotidienne entre agriculteurs

Pour être techniquement et économiquement viable, une unité de méthanisation a besoin de suffisamment d’intrants. En agrégeant les matières de plusieurs fermes dans un périmètre restreint, un tel projet ne peut voir le jour ni fonctionner durablement sans une coopération poussée entre les agriculteurs impliqués.

La méthanisation collective, celle que soutient Énergie Partagée, s’avère un outil puissant pour tirer parti et cultiver dans la durée les dynamiques de mutualisation, d’entraide, d’échanges de pratiques et de savoirs entre agriculteurs. Ce faisant, elle peut apporter une contribution très significative à la dynamique humaine des territoires ruraux.

L’épandage de digestat a-t-il des effets agronomiques néfastes ?

Agents pathogènes : la méthanisation assainit les matières organiques

Au cours de la méthanisation, les matières organiques sont exposées à des conditions physico-chimiques (température entre 37°C et 50°C, absence d’oxygène, etc.) qui détruisent la quasi-totalité des agents pathogènes et des mycotoxines contenus dans les intrants. Cette chaleur enlève aussi toute capacité de germination aux graines d’adventices (herbes concurrentes aux cultures) présentes dans les pailles utilisées comme fumiers.

De plus, la règlementation impose que certains types d’intrants (typiquement la majorité des sous-produits d’origine animale) soient soumis, selon les cas, à une hygiénisation (chauffage à plus de 70°C pendant une heure) voire une stérilisation (chauffage à 133°C pendant 20 minutes). (11)

Ces procédés impliquent évidemment une dépense d’énergie, dont il est bien sûr tenu compte pour le calcul préalable du bilan énergétique global de toute installation envisagée.

Résidus chimiques : un enjeu externe à la méthanisation, mais à prendre en compte

On retrouve fatalement dans le digestat les résidus (de produits phytosanitaires, d’antibiotiques, de métaux, etc.) qui peuvent se trouver dans les matières organiques utilisées, en fonction des pratiques des agriculteurs qui alimentent le méthaniseur en intrants.

De fait, ces résidus sont aussi présents dans les matières organiques (fumiers, lisiers, résidus de culture) qui peuvent être épandus sur les parcelles d’exploitations ne recourant pas à la méthanisation et au digestat. Cette problématique n’est donc pas intrinsèque à la méthanisation, mais vient interroger en amont les modèles agricoles.

Pour les projets de méthanisation, il importe donc de définir la qualité voulue des intrants et de la contrôler, en particulier pour assurer la compatibilité des digestats avec l’agriculture biologique. C’est un critère qu’Énergie Partagée prend en compte lorsque nous évaluons des projets de méthanisation.

La méthanisation, ça pue ?

La transformation subie par les matières organiques dans le digesteur rend le digestat beaucoup moins odorant que les effluents d’élevage initiaux (fumiers et lisiers). Cela réduit les nuisances olfactives des phases de transport et d’épandage.

En revanche, les odeurs ne sont pas pour autant supprimées sur les sites de méthanisation. Dans les situations sensibles (proximité des riverains, matières susceptibles de générer des nuisances olfactives importantes), les porteurs de projet peuvent choisir de stocker les intrants sous bâtiment étanche, avec traitement de l’air par un bio-filtre, afin d’éviter toute nuisance.

Le projet citoyen Méthamoly, co-financé par Énergie Partagée, a été sensibilisé à ce sujet, a réalisé des études d’odeurs avant la mise en service, et mis en place ce type de solution technique avec succès, ce qui représente un surcoût à l’installation, mais garantit un bon fonctionnement de l’installation sur la durée. Cette pratique tend à faire école dans la plupart des projets.

Pourquoi Énergie Partagée s’est doté d’une Charte Méthanisation

À la croisée de l’énergie, de l’agriculture, et de la gestion des déchets, la méthanisation se trouve au cœur d’enjeux multiples, dépassant de loin les seules questions de production énergétique.

Énergie Partagée s’inscrit dans la transition globale de la société, à l’instar de Terre de Liens et Solagro pour l’agriculture. Ainsi, nous devons porter un regard plus large sur cette énergie renouvelable et prendre en compte l’ensemble des facettes de la méthanisation. Nous devons veiller à promouvoir des projets, certes citoyens, mais aussi compatibles avec l’évolution de l’agriculture vers un modèle plus vertueux, et avec un objectif fort de réduction de la production de déchets.

La Charte Méthanisation d’Énergie Partagée : un outil pour inscrire cette énergie renouvelable dans une transition écologique globale de la société.

Énergie Partagée ne souhaite soutenir que des projets de méthanisation compatibles avec Afterres 2050, le scénario de transition agricole construit par Solagro et intégré depuis 2017 au scénario négaWatt de transition énergétique.

C’est pourquoi nous avons mené un travail de fond associant Solagro, des porteurs de projet et agriculteurs méthaniseurs (notamment les agriculteurs impliqués dans les projets citoyens pionniers Méthalayou et Méthamoly), le CIVAM 44 et d’autres acteurs afin d’identifier les critères et points de vigilance à étudier de près dans tout projet de méthanisation.

En 2017, ce travail a abouti à la publication de la Charte Méthanisation d’Énergie Partagée.

Pour des projets de méthanisation exemplaires

Les bonnes pratiques promues par Énergie Partagée

Énergie Partagée veut exercer un rôle d’incitation à l’évolution des pratiques en conditionnant son soutien financier à l’exemplarité des projets de méthanisation, au-delà de l’aspect citoyen et local et du minimum réglementaire.

Notre soutien aux projets est guidé par :

✅ Encourager une agriculture respectueuse de l’environnement : réduction des produits phytosanitaires, des engrais de synthèse, protection et amélioration de la qualité des sols, protection de la biodiversité, économies d’énergie

✅ Ne pas concurrencer la production alimentaire

✅ Ne pas réduire l’autonomie alimentaire des élevages : l’alimentation du digesteur ne doit pas se faire au détriment de l’alimentation des animaux

✅ S’inscrire dans une perspective de réduction de la consommation de protéines animales

✅ Ne pas figer les configurations agricoles, pour permettre d’évoluer vers des pratiques plus vertueuses

✅ Les intrants doivent permettre l’épandage du digestat sur des parcelles cultivées en bio (label AB)

✅ Ne pas être un palliatif aux excédents d’azote (L’élevage intensif peut aboutir à produire des quantités d’azote supérieures à celles susceptibles d’être épandues sur l’exploitation concernée. Certaines exploitations concentrent l’azote et le vendent. C’est une pratique que nous excluons.)

✅ Promouvoir la qualité alimentaire

✅ Promouvoir le bien-être animal (désintensification des élevages)

✅ Ne pas favoriser les élevages hors-sol, en cage, les animaux entravés, etc.

Les lignes rouges définies par Énergie Partagée

Notre Charte Méthanisation définit un certain nombre de critères excluant un projet de toute possibilité de soutien financier d’Énergie Partagée (en plus des critères inhérents au label Énergie Partagée).

⛔ Les projets incluant des élevages industriels sont exclus

⛔ Les projets conduisant à la création ou à l’extension d’un élevage intensif sont exclus

⛔ Aucun élevage ne doit voir son autonomie alimentaire réduite par les besoins en intrants du méthaniseur.

⛔ Pas plus de 5 % d’intrants issus de cultures principales dédiées à l’alimentation ou à la production d’énergie (en moyenne sur 5 ans glissants)

⛔ Le recours (en soi positif pour les sols) à des cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) ne doit entraîner aucune hausse de l’usage de produits phytosanitaires. Dans la durée, le suivi doit montrer une baisse de consommation des phytosanitaires.

⛔ L’usage d’engrais de synthèse doit être réduit en proportion de la production de digestat par le méthaniseur.

⛔ L’agriculture intensive provoque des excès d’azote qui, via les nitrates (composés azotés), polluent l’eau. Nous excluons toute concentration d’azote visant à l’exporter.

⛔ Le digestat doit faire l’objet d’un stockage étanche pour éviter qu’il émette de l’azote et du méthane.

⛔ Dans le cas de méthaniseurs en cogénération, le moteur ne peut utiliser aucun combustible d’origine fossile en complément du biogaz.

⛔ En l’absence de toute incitation ou contrainte règlementaire, nous imposons que les projets atteignent un niveau imposé d’efficacité pour la valorisation de la chaleur et du biogaz

Notre Charte Méthanisation met aussi en avant de nombreux points de vigilance, qui, sans constituer individuellement des critères d’exclusion, peuvent cumulativement nous conduire à refuser de soutenir un projet. Ils constituent en même temps des indicateurs et des objectifs d’amélioration des projets au cours de leur développement puis de leur exploitation, que nous travaillons avec les porteurs de projet.

Enfin, notre Charte Méthanisation identifie une série de critères de bonifications, qui constituent des bonnes pratiques de référence, que nous promouvons auprès des porteurs de projets, et qui jouent en faveur des projets sollicitant un financement d’Énergie Partagée.

Consultez notre Charte Méthanisation

Les projets citoyens de méthanisation soutenus par Énergie Partagée

  • Projet citoyen labellisé

    Méthamoly

    Loire (42)

    En 2012, un groupe de douze agriculteurs s’est engagé dans un projet de méthanisation collective, en mobilisant de nombreux acteurs dans les Monts du Lyonnais. Ils récupèrent aujourd’hui du digestat pour enrichir les terres agricoles et une station...

  • Projet citoyen labellisé

    Biogaz des Marches de Bretagne

    Ille-et-Vilaine (35)

    Dans le Coglais, la communauté de communes a développé un projet de méthanisation : pour produire une énergie renouvelable respectueuse de l'environnement et renforcer les exploitations agricoles familiales. Un projet qui avec le temps devient un p...

  • Projet citoyen labellisé

    Méthalayou

    Pyrénées-Atlantiques (64)

    15 agriculteurs mettent en commun leurs énergies et leurs déchets pour réaliser de la méthanisation collective en circuit-court. À partir des lisiers, fumiers et bio-déchets collectés localement, l'installation produit du biogaz qui sera injecté da...

  • Projet citoyen labellisé

    Métha Blois Nord

    Loir-et-Cher (41)

    Un collectif d'agriculteurs porte un projet de méthanisation pour en faire un levier d'évolution de leurs exploitations. Ils décident de s’associer à la communauté d’agglomération Agglopolys, la commune de Fossé et aux citoyens via Énergie Partagée...

  • Projet citoyen labellisé

    Vaccaghja Energia

    Haute-Corse (2B)

    Une douzaine d’éleveurs de Corse, soutenus par la Chambre d’Agriculture, portent un projet de méthaniseur, avec pour ambition plus large de structurer la filière locale de viande de veau et l'élevage extensif, tout en permettant la production d'éne...

  • Projet citoyen labellisé

    Agri-bioénergies

    Ille-et-Vilaine (35)

    Douze agriculteurs développent un projet de méthanisation initié par le Pays des Vallons de Vilaine. Leurs objectifs : mutualiser la gestion de leurs effluents d’élevage, produire un biogaz local et créer du lien entre agriculteurs et riverains aut...

  • Projet citoyen labellisé

    Centrès Méthanisation

    Aveyron (12)

    Dans l'Aveyron, à Centrès, 26 agriculteurs et des citoyens, réunis en société à gouvernance coopérative, développent avec le soutien des élus un projet de méthanisation en cogénération, pour valoriser localement leurs lisiers, leurs fumiers et des ...

  • Ressource
    Publication
    Sujets Transversaux
    09 Juil 2020

    Ressources pour le développement des projets citoyens de méthanisation

    Parmi les énergies renouvelables, la méthanisation revêt un caractère particulier. À la croisée de l’énergie, de l’agriculture et de la gestion des déchets, la méthanisation se trouve au cœur d’enjeux multiples, dépassant de loin les seules questions de production énergétique.

    Ressource
    Publication
    Sujets Transversaux
    18 Mai 2017

    La Charte Méthanisation d’Énergie Partagée

    Soucieux d'accompagner le monde agricole vers de meilleures pratiques et vers un engagement en faveur de la production d'énergies renouvelables, Énergie Partagée publie une charte établissant les conditions et critères pour un soutien du mouvement.

    Notes

    Cet article s’appuie en particulier sur quelques sources privilégiées, notamment des articles de fond co-écrits par négaWatt, Solagro, Terre de Liens, Enercoop et Énergie Partagée et publiés sur le site Décrypter l’énergie, ainsi que d’autres publications de négaWatt et Solagro. Certains extraits sont repris, tels quels ou avec des modifications, sans être présentés comme des citations. D’autres sources, utilisées plus marginalement, sont citées lorsqu’il y est fait référence. Des références numériques renvoient à des notes de bas de page accessibles via le sommaire flottant de l’article.

    (1) Exception faite d’une production sporadique et anecdotique en île-de-France, lorsque les conditions de prix sur le marché la rendent économiquement faisable.

    (2) Il existe aussi le GNL (Gaz Naturel Liquéfié), qui est utilisé pour alimenter en carburant des navires ou certains camions de grande taille.

    (3) INRAE, INRAE Transfert, Solagro, Biométhane issu de ressources agricoles – Quels impacts environnementaux ?, 2022

    (4) Ademe, Infographie 2023 « Méthanisation : quelles retombées pour les territoires »

    (5) En un mois dans des conditions optimales pour des lisiers, et en des durées plus longues, variables selon les matières et leurs conditions d’entreposage.

    (6) Solagro, négaWatt, La méthanisation dans le mix énergétique – Enjeux, impacts et propositions, résumé, p.2, 2021

    (7) Considéré pour une durée de 100 ans. Le potentiel de réchauffement global (PRG) est le pouvoir réchauffant d’un gaz, rapporté au pouvoir réchauffant de la même masse de CO2 , et pour une durée donnée de présence dans l’atmosphère. Par définition, le PRG du CO2 est donc égal à 1.

    (8) Étude MéthaLAE (2015-2018), pilotée par Solagro.

    (9) Solagro, Diaporama « Le digestat c’est tout pourri ? Quelques bases sur la méthanisation », Université négaWatt, 2021

    (10) Terres et territoires, Biogaz : le plein à la ferme, 09/10/2020

    (11) AILES, Utilities Performance, GRDF, Guide de mise en oeuvre de l’hygiénisation en méthanisation, septembre 2021

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