Les PPA : ce qu’il faut savoir en 2024 sur ces contrats directs d’achat-vente d’électricité

Rencontre francilienne des énergies renouvelables citoyennes 2023

Les PPA sont des contrats directs d’achat-vente entre un producteur d’électricité et une personne morale consommatrice. Ils permettent de valoriser l’électricité produite selon de nouveaux montages, encore en évolution. Énergie Partagée en dresse un panorama à l’aune des réalisations récentes.

PPA ou Power Purchase Agreement : de quoi s’agit-il ?

Un PPA (“Power Purchase Agreement” en anglais, littéralement un “contrat d’achat d’électricité”) est en fait un contrat de vente directe, sans intermédiaire, entre un producteur d’électricité et une personne morale (entreprise, collectivité) qui la lui achète. On parle aussi de CADER (“Contrat d’Achat Direct d’Energie Renouvelable”).

Les PPA sont travaillés sur le marché de l’électricité depuis quelques années. Dans le biométhane (avec injection de gaz dans les réseaux), la loi d’accélération des énergies renouvelables a posé un cadre d’achat de gré-à-gré en septembre 2023 : les Biogaz Purchase Agreement (BPA) (1). Ces contrats sont encore peu éprouvés et vont bénéficier des apprentissages des PPA en électricité. Le marché de la production de chaleur, lui, est d’emblée structuré par des relations directes entre le producteur et l’acheteur, puisque la distribution de chaleur est toujours circonscrite à une échelle locale.

Deux grands types de PPA : les PPA physiques et les PPA virtuels

Il existe différents types de contrats PPA, qu’on peut répartir en 2 grandes familles : les PPA physiques et les PPA virtuels (également appelés PPA financiers).

Un PPA physique, dont il sera exclusivement question dans cet article, est un contrat dans lequel le producteur d’électricité vend sa production à un consommateur qui l’utilise pour ses besoins. Il y a donc une livraison physique de l’électricité, qui se fait à travers le réseau et est acheminée par le gestionnaire de réseau jusqu’au consommateur.

Un PPA virtuel est a contrario un contrat financier qui n’implique pas de livraison physique de l’énergie entre le producteur et le consommateur, ce qui permet d’élaborer des contrats plus flexibles (2). Il s’agit d’une structure financière, également appelée “contrat pour différence” (traduction de l’anglais “contract for difference”), dont le mécanisme de “complément de rémunération” accessible en appel d’offres de la Commission de Régulation de l’Énergie (AO CRE) est un exemple.

Un PPA virtuel est donc un “mécanisme de couverture”, c’est-à-dire un mécanisme par lequel le consommateur se couvre vis-à-vis du risque de volatilité à la hausse du prix de l’électricité sur le marché :

  • Le consommateur achète à son fournisseur l’intégralité de ses besoins d’électricité au prix du marché.
  • En parallèle, pour se couvrir du risque d’augmentation du prix que lui facturera son fournisseur, le consommateur conclut avec un producteur un PPA virtuel, qui n’implique en rien le fournisseur.
    • À la signature du PPA, le consommateur et le producteur s’accordent sur des modalités de vente et de formule de prix valables pour la durée du PPA. Elles deviennent, pour le consommateur, son prix de référence (ou “strike price”), de fait déterminé à l’avance et qui peut se décorréler des évolutions ultérieures du marché.
    • Lorsque le prix de marché est supérieur au prix convenu dans le PPA, le producteur paie au consommateur la différence entre les deux, ce qui “rembourse” au consommateur le surcoût qu’il paie de son côté à son fournisseur.
    • Lorsque le prix de marché est inférieur au prix convenu dans le PPA, le consommateur paie au producteur la différence entre les deux.
    • Au final, le consommateur paie donc sa consommation d’électricité à un prix constant, celui du PPA, quel que soit le prix du MWh sur le marché.

Historiquement, les PPA virtuels ont émergé dans des pays où la structuration du réseau électrique et les interconnexions existantes font que la livraison physique est plus difficile à garantir (États-Unis, Australie, …), les PPA ont donc permis de s’émanciper de ces contraintes physiques.

Le présent article s’attache à décrire les mécanismes propres aux PPA physiques exclusivement, étant donné que même si les acteurs regardent avec attention l’évolution des PPA virtuels, le retour d’expérience dont nous disposons reste faible.

La constitution du prix de l’électricité dans le cadre d’un PPA

Un contrat PPA est généralement signé pour une durée longue, de 10 à 30 ans. Le producteur et l’acheteur conviennent d’un prix d’achat de l’électricité. Ce prix d’achat, défini pour la durée du contrat, résulte d’une négociation entre le producteur et l’acheteur, en fonction des coûts que l’un et l’autre doivent respectivement supporter, et de la rentabilité recherchée par chacun, ainsi qu’en fonction de l’offre et de la demande de contrats en PPA.

Ce prix peut combiner une part fixe et une part variable indexée (sur l’inflation, sur l’évolution du marché, etc.). On distingue au moins quatre modes différents d’indexation, qui peuvent être combinés en s’appliquant à des fractions distinctes du prix total du MWh :

  • un prix en tout ou partie complètement fixé (des PPA avec un prix fixé à 100 % ont été conclus dans les années passées, mais cela n’est plus viable ni pratiqué en 2024)
  • un prix en tout ou partie indexé sur des indices INSEE reflétant l’inflation, le prix de production de l’industrie française, le coût horaire du travail révisé des industries mécaniques et électriques, etc. C’est la logique d’indexation pratiquée dans les AO CRE.
  • un prix en tout ou partie indexé sur l’augmentation des coûts d’investissement et de financement entre le moment où le prix du PPA est conclu et la mise en service du projet (ou le début de sa construction)
  • un prix en partie indexé sur le prix du MWh sur le marché (spot ou à terme)

Rapide aperçu de l’émergence récente des PPA

L’existence même des PPA a été rendue possible par la combinaison de deux facteurs :

  • la baisse continue et drastique des coûts de production des énergies renouvelables, jusqu’à 89 % de réduction entre 2010 et 2022 (3)
  • la volonté des États de diminuer les coûts liés aux mécanismes de soutien public au développement des énergies renouvelables et l’arrivée à échéance de ce soutien pour de nombreuses installations en service

L’augmentation brutale des prix de marché de l’électricité observée fin 2021 et en 2022 est venue donner un coup d’accélérateur au recours aux PPA. Cet engouement s’est logiquement nettement tassé depuis que le prix de marché de l’électricité est retombé aux alentours de 60 à 70 €/MWh.

En Europe, la France était en 2021 bonne dernière d’un panel de 11 pays étudiés par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) en termes de recours aux PPA (4). Un essor notable en 2022 lui a permis de remonter à la 7ème position, toutefois loin derrière l’Espagne, la Suède ou dans une moindre mesure l’Allemagne ou le Royaume-Uni (5).

Dans une étude portant sur le marché des PPA en France en 2021, la Commission de Régulation de l’Énergie notait que « Les développeurs ne sont pas incités à signer des PPA dans la mesure où le mécanisme de soutien public assure à lui seul la rentabilité des projets ENR et offre de larges volumes. » (6). Un producteur qui sait pouvoir bénéficier de ce soutien public, qui lui assure de pouvoir réaliser ses projets avec une rentabilité suffisante, n’a pas de raison particulière de se tourner vers un autre mécanisme de financement et de contractualisation.

Par ailleurs, les fournisseurs d’électricité, susceptibles d’être acheteurs dans le cadre des “utility PPA”, peuvent depuis 2010 acheter une partie de leur approvisionnement en électricité à un prix administré de 42 €/MWh dans le cadre de l’ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique). Le prix d’achat de l’électricité en PPA n’est pas forcément plus intéressant que le prix ARENH ; pour les volumes d’approvisionnement concernés, les fournisseurs bénéficiaires de l’ARENH n’ont donc pas intérêt à recourir aux PPA pour trouver d’autres producteurs. Le dispositif de l’ARENH a été institué en 2010 pour une durée de 15 ans, donc jusqu’à fin 2025. Sa fin annoncée constitue a contrario une incitation évidente à se tourner vers les PPA.

À l’échelle de l’Union européenne, ce n’est que depuis 2019 que le recours au PPA est sorti d’une quasi-exclusivité pour l’éolien terrestre, et devient un outil pour des capacités significatives en éolien offshore et en solaire photovoltaïque (7). En France, selon l’étude déjà mentionnée de la CRE, le marché des PPA a été initié, en 2019, par des projets solaires.

2021-2022 : l’explosion des prix de l’électricité a mis en lumière les PPA

Si les “Power Purchase Agreements” font désormais autant parler d’eux, c’est d’une part qu’ils traduisent la maturité technico-économique des ENR et les évolutions que cela induit sur le marché ; c’est d’autre part que leur mécanisme permet aux acheteurs de limiter leur exposition à la volatilité des prix sur le marché de l’électricité et de gagner en visibilité sur leur prix d’achat du MWh et son évolution.

Voilà qui ne pouvait qu’éveiller l’intérêt à l’occasion de l’explosion des prix vécue en 2022, tirée par l’indexation des prix de l’électricité sur ceux du gaz, par les tensions sur l’approvisionnement en hydrocarbures et la guerre en Ukraine, ainsi que les arrêts en cascade de la moitié du parc nucléaire français (8).

Avant la crise, le MWh n’atteignait que rarement 100 à 120 € sur le marché “spot” (le marché de gros de l’électricité, où des volumes à court-terme s’échangent en France, mais aussi avec certains pays frontaliers). Changement complet en 2021 et 2022 : durablement positionné au-dessus de 150 €, le prix du MWh a fréquemment atteint des niveaux inouïs jusqu’alors, fluctuant pendant des semaines entre 200 et 500 €, avec des pics ponctuels jusqu’à environ 1000 €. Un autre monde… Le prix “spot” moyen a atteint 493 € sur le mois d’août 2022, et s’établissait sur l’ensemble de l’année à plus de 279 € (9).

Certes, l’État a protégé les consommateurs particuliers via un “bouclier tarifaire” qui a amorti la hausse des prix de marché. Mais entreprises et collectivités n’ont pas immédiatement bénéficié de ce soutien, et nombre d’entre elles ont vu leurs coûts énergétiques multipliés par 3, par 5, ou plus !

Ainsi, les consommateurs d’électricité ont été forcés de réfléchir à leur stratégie d’achat et à anticiper les coûts de l’électricité à terme. Cette réflexion doit porter à la fois sur les niveaux de prix, les expositions à l’incertitude (inflation, volatilité du marché, etc) et les durées envisagées (court, moyen, long terme). Le PPA est une brique possible de cette stratégie, aux côtés d’autres options intermédiées par les fournisseurs (ARENH, marché de gros, etc.).

Mais redisons-le : début 2024, le prix spot de l’électricité est revenu à un niveau de 60-70 €/MWh, et le regard sur les PPA est revenu à plus de modération et de nuance.

Quels sont les différents types de PPA et qui est concerné ?

Les “Utility PPA” : l’acheteur est un fournisseur d’électricité

Dans le cadre d’un “utility PPA”, l’acheteur est lui-même fournisseur d’électricité. Il revend l’électricité à son portefeuille de consommateurs.

Enercoop est l’archétype de cette configuration, en étant le premier fournisseur d’électricité à signer des PPA sur plus de 20 ans avec des nouveaux projets de production et sans recours aux mécanismes de soutien public – en l’occurrence sur le parc PV photovoltaïque de Bissey-sous-Cruchaud, développé par Énergie Partagée et CVE. En 2023, Enercoop est engagé dans plus d’une vingtaine de PPA, y compris sur des projets co-financés par Énergie Partagée.

Champ de Liveau : un PPA permet d’augmenter un projet déjà lauréat CRE

La centrale photovoltaïque de Champ de Liveau a été co-financée par Energie Partagée et des dizaines d’habitants du territoire rassemblés dans Ensoleille-Sol

Impulsée par Saumur Agglomération et développée par la SEM Alter Energies avec Énergie Partagée et la société citoyenne Ensoleille-Sol, cette centrale solaire au sol a été mise en service en mai 2023 sur le site d’une ancienne décharge. Lauréate d’un appel d’offres de la CRE à hauteur de 5 MWc, initialement l’installation devait déployer cette puissance sur le site d’implantation.

Mais le choix a finalement été fait de tirer parti de l’augmentation de puissance unitaire des panneaux photovoltaïques, pour ajouter sans augmenter l’emprise au sol une tranche de 2 MWc, qui vend son énergie en PPA à Enercoop. Les deux tranches sont portées par la même structure juridique : cela apporte des éléments qui ont sécurisé le montage financier de ce PPA, mais limitent aussi sa réplicabilité.

Les “Corporate PPA” : l’acheteur est un consommateur d’électricité

Dans le cadre d’un “corporate PPA”, l’électricité est achetée par un ou quelques acheteurs qui sont les consommateurs finaux.

Étant donné ses coûts transactionnels (mise en place du contrat) et les risques qui lui sont inhérents, un PPA ne devient économiquement intéressant que s’il concerne une production importante. Il est donc inenvisageable à moins de 1 GWh/an, et c’est dans les faits plutôt pour une production de 10 à 15 GWh/an qu’il commence à devenir pleinement pertinent. Cela concerne donc uniquement de grosses entreprises, avec une consommation électrique importante et une fiabilité suffisante aux yeux des banques. Ainsi, en 2023, Engie arrive en tête du classement mondial des vendeurs d’électricité via CPPA établi par BloombergNEF, avec 2,4 GW. Amazon est le premier acheteur pour la quatrième année consécutive avec 8,8 GW de contrats.

En 2024, en pratique, seules des entreprises ont déjà une possibilité légale claire de recourir à un PPA. Les acteurs publics, eux, sont encore contraints à des montages complexes pour y recourir, ce qui représente un énorme frein, alors que l’attente des collectivités et des SEM dédiées aux EnR est forte. Cet obstacle devrait être levé d’ici quelques mois avec la publication des décrets d’application de la Loi relative à l’accélération des énergies renouvelables, votée au printemps 2023, qui prévoit d’ouvrir aux acteurs publics la possibilité de s’engager à long terme comme acheteur auprès d’un producteur d’énergie.

À Étréchy, une centrale solaire citoyenne en PPA avec le réseau de froid de Paris

Situé à Étréchy (Essonne), le projet citoyen EnR Juine et Renarde est l’une des premières centrales solaires au sol d’une puissance de 4,7 MWc en Île-de-France.

L’achat de l’électricité produite par la centrale est garanti sur 20 ans via un PPA négocié en 2020, visant à alimenter le réseau de froid de la Ville de Paris, opéré par Fraîcheur de Paris. Le projet a ainsi été réalisé hors mécanisme de soutien tarifaire.

Le PPA court terme : un outil pour des situations spécifiques

Il existe deux cas particuliers dans lesquels il existe des PPA de court terme. Mentionnons-les pour être complets, même si nous ne les considérerons pas dans le reste de notre analyse. Le premier est un mécanisme d’urgence temporaire et conjoncturel. Le second est un cas appelé à devenir de plus en plus fréquent à mesure que des installations atteindront la fin de leur période de 20 ans de prix de vente garanti dans le cas d’un appel d’offres de la CRE.

Premier cas : la compensation de la hausse des coûts d’investissement en période d’inflation

L’inflation généralisée à partir de 2021 a entraîné une importante augmentation des coûts d’investissement (intérêts des emprunts bancaires, matériels…) pour les producteurs. Or, les tarifs d’achat garantis dans le cadre des appels d’offre de la Commission de Régulation de l’Énergie n’ont, eux, pas suivi l’inflation ni la hausse du prix de l’électricité sur le marché. Le fossé se creusant entre coûts et revenus, les nouveaux projets n’étaient plus finançables.

L’État a donc pris une mesure d’urgence conjoncturelle et temporaire : les producteurs lauréats d’un appel d’offre de la CRE, ayant donc obtenu un prix garanti, ont été autorisés à vendre la production au prix du marché ou via un PPA pendant une durée de 18 mois, avant de devoir la vendre, pendant 20 ans, au prix garanti obtenu. Le bénéfice généré par cette vente pendant 18 mois, tiré par les prix élevés du marché en 2022-2024, permettait ainsi de compenser les surcoûts d’investissement et de financement sans aides publiques supplémentaires.

Second cas : le “brownfield”, des installations amorties vont chercher un modèle économique hors soutien public

Lorsqu’une installation en service perd le bénéfice du tarif d’achat garanti au bout de la période de référence, le producteur peut vendre la production soit sur le marché “spot” (ce qui est évidemment très profitable lorsque les prix explosent comme en 2021–2022), soit dans le cadre d’un PPA court terme (de 1 à 3 ans en général) avec des formules de prix adaptées (fixe, variable, hybride) selon chaque cadre contractuel.

Quels sont les avantages des PPA ?

Le choix de recourir à un PPA s’inscrit plus largement dans la stratégie de valorisation de la production d’électricité (pour le producteur) ou d’approvisionnement des consommations (pour l’acheteur) en électricité. Ainsi, les avantages des PPA s’apprécient à chaque fois au regard des spécificités du projet de production concerné, et des enjeux de consommation de l’acheteur (consommateur direct ou fournisseur ayant un portefeuille de clients).

Des modèles ad hoc qui s’adaptent aux projets et permettent l’accroissement des capacités de production renouvelable

Pour le producteur, le PPA :

  • permet de financer de nouvelles capacités de production
  • permet de bénéficier de subventions publiques à l’investissement, ce qui n’est plus cumulable avec le bénéfice des mécanismes de soutien publics (appels d’offre CRE, complément de rémunération)
  • permet de rendre économiquement possibles certains projets, par exemple des parcs PV au sol de moins de 500 kWc qui ne peuvent bénéficier d’aucun mécanisme de soutien public
  • permet de trouver un nouveau modèle économique pour les installations déjà construites et qui sortent d’un dispositif de soutien public arrivé à échéance
  • permet de définir une formule du prix de vente sur la période du contrat, adaptée, car négociée en gré-à-gré ; lorsque les conditions de marché le permettent, cela peut favoriser une certaine stabilité

Pour le consommateur, selon les conditions de prix définies dans le contrat, le PPA peut permettre d’acheter l’électricité avec une meilleure visibilité sur la variation du prix, pendant une durée connue, qu’en achetant sur le marché. Cette relative prévisibilité du prix représente une sécurité particulièrement appréciable pour les collectivités. En effet, elle peut leur éviter une situation comme celle que beaucoup ont subi en 2022, prises en tenaille entre leur budget fixe et un prix de l’énergie en forte hausse, ce qui a mené à des augmentations d’impôts locaux, et à des réductions ou des fermetures de services publics pour réaliser des économies indispensables.

Pour les entreprises, acheter de l’électricité d’origine renouvelable peut également s’inscrire dans une démarche de responsabilité sociale et environnementale.

L’État y trouve bien évidemment son compte : le recours aux PPA vient mécaniquement réduire les coûts potentiellement induits par les mécanismes de soutien public aux projets de production d’énergie renouvelable.

Atténuer partiellement l’exposition à la volatilité du marché

Le marché des PPA est encore en émergence, et les équilibres offre/demande sont encore incertains. De nombreuses collectivités sont très intéressées et, pour passer à l’action, n’attendent que la sortie des décrets due depuis l’adoption de la loi APER (loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables) en mars 2023 (10). De ce fait, le rapport offre-demande pourrait évoluer de façon importante, et il est difficile d’évaluer à quel point cela impactera à la hausse le prix du MWh dans le cadre des PPA qui seront alors signés par les producteurs.

De plus, la formule et le niveau de prix (part fixe, part variable, modalités d’indexation, etc.) au moment de la signature vont nécessairement dépendre de la situation du moment, et notamment :

  • des autres possibilités de vente de l’électricité (appel d’offre CRE, autoconsommation collective)
  • niveau des taux de financement bancaire
  • coûts des matériaux et de la main d’œuvre.

Bissey-sous-Cruchaud : le 1er grand parc solaire sans soutien tarifaire de l’État

Le projet de parc photovoltaïque de Bissey-sous-Cruchaud a été initié en 2010 sous l’impulsion de la commune et de la Communauté de Communes Sud Côte Chalonnaise. Ce projet a été conjointement porté par l’opérateur CVE et Énergie Partagée avec l’appui des acteurs locaux.

Mise en service en 2021, la centrale, d’une puissance de 5,5 MWc, a été un des premiers projets d’énergies renouvelables en France à vendre son énergie sans passer par un mécanisme de soutien de l’État.
Les porteurs de projet ont conclu avec le fournisseur coopératif Enercoop un contrat d’approvisionnement de long terme sur une durée de 30 ans, une durée particulièrement longue pour ce type de contrat qui traduit l’engagement sur la durée des partenaires. Les acteurs du mouvement de l’énergie citoyenne ont innové par ce premier PPA, et ont ainsi pu structurer très tôt leurs postures dans ce mode de valorisation de l’énergie. C’est également grâce à l’implication des banques de l’économie sociale et solidaire, La Nef et Triodos, que cette première réussite a pu se concrétiser.

Mallemort : le PPA n’est pas toujours l’outil adéquat pour concrétiser un projet

Devenue propriétaire du site d’une ancienne décharge sur la commune de Mallemort, la Métropole Aix-Marseille a souhaité y réaliser un parc photovoltaïque au sol. Dans un premier temps, le groupement qui développe le projet (CVE et Énergie Partagée) souhaitait contractualiser un PPA avec le fournisseur Enercoop.

Mais l’évolution défavorable des paramètres du projet (augmentation du coût des matériaux et du coût du financement, retard dans la réalisation des études préalables) et le tarif d’achat proposé ont rendu cette perspective non soutenable en termes économiques.
Dans la continuité, le groupement a cherché à mettre en place un PPA avec d’autres tiers acheteurs, mais en raison des conditions proposées (pénalités importantes en cas de délai dans la réalisation du projet, chute des tarifs d’achat en 2023), ce scénario n’a lui non plus pu se concrétiser. Aussi, le groupement qui porte le projet s’est résolu à renoncer au PPA, et à candidater à un appel d’offres CRE afin de sécuriser et de garantir la réalisation du projet.

Les banques sont encore prudentes quant au financement des PPA

Les banques sont habituées à accorder des crédits pour des projets d’énergie renouvelable appuyés sur un modèle économique extrêmement sécurisant pour elles, puisque adossé à un prix de rachat de l’électricité fixe et garanti par l’État pendant 15 ou 20 ans.

Dans le cadre des PPA, outre que le prix peut comporter une part variable qui suit le marché, cette garantie n’existe plus, et a contrario la question se pose de la solvabilité à long terme de l’acheteur de l’électricité : pourra-t-il payer sans défaut pendant la durée du PPA l’électricité qu’il s’engage à acheter ? Face au risque de défaillance des acheteurs, les conditions de financement bancaire des projets en PPA impliquant des acheteurs privés peuvent être dégradées (attention portée à la solidité financière de l’acheteur, garanties supplémentaires exigées, comptes de réserve, ratios de couverture de la dette « DSCR » revus à la hausse par exemple).

Deux bonnes nouvelles sur le front bancaire : caution publique et ouverture aux collectivités

Jusqu’à très récemment, seules les entreprises électro-intensives, grosses consommatrices d’électricité, bénéficiaient d’un mécanisme de garantie publique sur leur engagement vis-à-vis des producteurs d’électricité.

Toutefois, un fonds public de garantie des “corporate PPA” porté par BpiFrance est entré en service le 1er septembre 2023, et vient élargir le champ des entreprises susceptibles de bénéficier de cette garantie. Il bénéficie d’une dotation initiale par l’État de 68 millions d’euros pour garantir une première tranche de 500 MW de nouvelles capacités de production.

Cette garantie bancaire, nommée GER (Garantie Energie Renouvelable), vise à protéger les producteurs du risque de défaut de paiement, à partir de 3 mois impayés par l’acheteur. La GER est destinée à couvrir 80 % de la rémunération du producteur prévue par le PPA, en complément éventuel des revenus que le producteur pourra réaliser en vendant sur le marché l’électricité initialement destinée à l’acheteur défaillant (11). On peut cependant déplorer que le champ d’activités éligibles à ce fonds de garantie soit aujourd’hui restreint.

Par ailleurs, bientôt, les collectivités pourront, elles aussi, s’engager vis-à-vis des producteurs via des PPA. Or, au regard des banques, les collectivités présentent un risque de défaut faible, comparable à celui de l’État. Cette prochaine évolution devrait donc débloquer le développement des “Power Purchase Agreements”.

Dès à présent, les collectivités désireuses de soutenir l’essor des PPA pour encourager la transition énergétique peuvent trouver d’autres modalités pour le faire. Ainsi, dans le cadre d’un appel d’offres, la Région Nouvelle-Aquitaine a mis en place un dispositif pour apporter plusieurs modalités de soutien financier et d’accompagnement technique aux industries et groupements d’entreprises (ETI, PME et TPE (12)) de la région pour leur permettre de se fournir en électricité renouvelable produite localement.

Avec un PPA, les aléas de production constituent un risque financier important

En PPA, un retard de chantier coûte plus cher

Lorsqu’un producteur développe un projet dans le cadre d’un appel d’offre CRE, il s’engage sur le principe (réaliser le projet, avec un contrat en complément de rémunération), via un dépôt de garantie confié à la CRE. Ce dépôt est perdu si le projet n’est pas mené à bien, mais il n’y a pas d’engagement sur le calendrier de réalisation. Si la mise en service subit un retard, le producteur n’est pas pénalisé.

Au contraire, dans le cadre d’un PPA, le producteur (et à travers lui l’acheteur) est engagé, par l’intermédiaire d’un acteur tiers (un responsable de périmètre d’équilibre) vis-à-vis de RTE à injecter l’électricité sur le réseau à compter d’une date précise, et s’expose à des pénalités financières si le calendrier n’est pas tenu.

De plus, le producteur est engagé vis-à-vis de l’acheteur à lui fournir un volume d’électricité à partir d’une date fixe, à un prix défini. Si la mise en service de l’installation prend du retard, l’acheteur est contraint de s’approvisionner sur le marché, potentiellement à un prix moins favorable. Il peut donc exiger que ce risque soit couvert dans le contrat PPA, le producteur étant alors engagé à rembourser à l’acheteur la différence entre le prix d’achat sur le marché et le prix d’achat convenu dans le PPA.

Dans la pratique, il est donc conseillé de prévoir une période « tampon » entre la date estimée de mise en service de l’installation de production et la date de démarrage du contrat PPA (par exemple en le faisant débuter au 1er janvier de l’année suivant la mise en service). Le producteur fait alors son affaire de valoriser la production sur le marché en attendant le démarrage du PPA, ce qui permet d’évacuer ce risque du point de vue de l’acheteur, qui comprend aussi la phase de test des premières semaines de fonctionnement de l’installation.

Éviter le défaut d’équilibrage entre injection et soutirage d’électricité sur le réseau

Le gestionnaire du réseau de distribution de l’électricité (GRD), que ce soit ENEDIS ou une entreprise locale de distribution (ELD), exige de la part des producteurs et des acheteurs (“corporate” comme “utility”) d’injecter sur le réseau une quantité d’électricité égale à tout moment à celle soutirée par leurs clients. C’est ce qu’on appelle la “responsabilité d’équilibre”.

En cas de défaut d’équilibrage, le GRD facture un “règlement des écarts”, composé d’une pénalité et du prix “spot” que l’acteur défaillant aurait dû payer sur le marché pour acheter la quantité d’électricité manquante. Le défaut d’équilibrage est donc un aléa financier fort que tous les acteurs d’un PPA ont intérêt à minimiser.

Les consommateurs (en CPPA) et les fournisseurs (en UPPA) cherchent à reporter ce risque sur les producteurs, à qui ils demandent donc de s’engager non seulement sur des volumes, mais aussi sur des profils (temporels) de production, et donc sur la disponibilité de leur parc de production.

En cas de production inférieure à son engagement, le producteur peut être triplement pénalisé :

  • réduction du chiffre d’affaires (moins d’électricité vendue)
  • règlement des écarts (pénalité à verser au GRD), si l’acheteur reporte sur lui la “responsabilité d’équilibre”
  • selon le rapport de force avec l’acheteur à la signature du PPA, éventuelle pénalité complémentaire à verser au client

Au final, les producteurs eux-mêmes cherchent à réduire leur risque en répercutant ces engagements dans leurs contrats de maintenance et d’assurance, ce qui augmente leurs coûts et par ricochet le prix auquel ils acceptent de vendre le MWh.

Conclusion

Une chose est certaine : ce qui caractérise le marché des PPA, encore émergent en France, c’est avant tout qu’il est en constante évolution, étant donné ses liens avec des changements structurels et conjoncturels sur la scène de l’énergie, des politiques publiques et de la géopolitique notamment.

Aussi, le panorama des PPA que nous avons dressé dans cet article reflète l’état actuel du marché des “PPA physiques” (les “PPA virtuels” ou financiers n’étant pas traités ici), ainsi que nos connaissances et notre compréhension actuelles du sujet. Ce marché va continuer à évoluer de façon substantielle, et on peut présumer que l’innovation en matière de mécanismes de constitution des prix et de contractualisation des PPA va se poursuivre ; l’analyse devra évoluer en conséquence.

À l’heure actuelle, la maturation progressive des PPA comme nouvelle modalité de valorisation de l’électricité fournit aux acteurs du marché de l’électricité (producteurs, fournisseurs et acheteurs, sans oublier les pouvoirs publics) un outil supplémentaire.

En tout état de cause, il ne faut pas opter a priori pour un PPA, sans au préalable examiner et comparer l’ensemble des modèles de valorisation de l’électricité qu’un acteur peut mobiliser, et leur possible hybridation (appels d’offre CRE, PPA, autoconsommation collective, …).

Car, disons-le clairement, cet outil n’est en aucun cas la panacée. Recourir à un PPA ne fait pas toujours sens sur un plan économique, les acteurs doivent donc mobiliser ou non cet outil et en négocier les modalités, en fonction de leurs intérêts et de leurs enjeux respectifs.

3 webinaires pour aller plus loin

Au cours de l’année 2024, Énergie Partagée prévoit une série de trois webinaires (dates encore inconnues) abordant différents aspects du marché de l’électricité, dont les PPA :

  • Marché de l’énergie – Veille et actualité
  • Offre locale – Autoconsommation et corporate PPA
  • Financement des offres locales

Notes

(1) Voir le décryptage de GRTgaz (novembre 2023) à ce sujet : https://www.grtgaz.com/medias/actualites/biomethane-purchase-agreement. Quelques premiers BPA ont été signés en 2023-2024, avec des durées de quelques années, et avant tout au profit d’industriels dans le cadre de leurs stratégies décarbonées (par Engie Green avec la CMA, par Total Energies avec Saint-Gobain, par CVE avec des clients industriels).

(2) PV Magazine aborde plus en détails les PPA virtuels dans un récent article : PV Magazine, Yoann Guichard, « Physique, virtuel ou virtuel cross border : zoom sur les différents types de PPA », 5 mars 2024

(3) IRENA, “Renewable Power Generation Costs in 2022”, p.20

(4) Étude “Analyse des dynamiques et des mécanismes publics de soutien aux énergies renouvelables favorables aux PPA en Europe”, E-CUBE / Commission de Régulation de l’Energie, 10/02/2022

(5) “Financing and investment trends – The European wind industry in 2022”, Wind Europe, p.35, 29/03/2023

(6) Étude “Analyse des dynamiques et des mécanismes publics de soutien aux énergies renouvelables favorables aux PPA en Europe”, E-CUBE / Commission de Régulation de l’Energie, 10/02/2022

(7) “Financing and investment trends – The European wind industry in 2022”, Wind Europe, p.34, 29/03/2023

(8) Selon le World Nuclear Industry Status Report 2023 (p.105), « Cinq réacteurs ont été à l’arrêt pendant toute l’année [2022]. Plus de la moitié du parc nucléaire français (29 unités) a été indisponible pendant au moins un tiers de l’année, et un tiers (18 unités) pendant plus de la moitié de l’année. »

(9) L’outil éCO2mix de RTE permet de consulter les prix de l’électricité sur le marché spot. Les prix moyens sur le marché spot proviennent du Ministère de la Transition énergétique.

(10) FNCCR, Territoire d’énergie, « Les acteurs publics locaux dans le nouvel écosystème des modes de commercialisation de l’électricité », juin 2022. (publication à retrouver dans le centre de ressources d’Énergie Partagée)

Dans l’attente de la publication des décrets autorisant les collectivités publiques à recourir aux PPA, cette publication de juin 2022 reste d’actualité. En effet, le recours par les acteurs publics à ce type de contrat demeure à ce jour difficile au regard des règles de la commande publique. Dans ce contexte, les acteurs publics locaux s’interrogent sur le montage contractuel à mettre en œuvre pour passer un PPA. Pour tenter de leur apporter une réponse, la FNCCR a passé en revue les différents montages de la commande publique existants pour déterminer celui qui serait le plus adapté.

(11) Le cabinet d’avocats Bird & Bird a publié une synthèse claire et détaillée sur la GER : “Le fonds de garantie CPPA : catalyseur de l’émergence des PPAs pour les consommateurs industriels ?”, Boris Martor et Sébastien Hoff, 10/10/2023

(12) ETI : Entreprise de Taille Intermédiaire ; PME : Petite ou Moyenne Entreprise ; TPE : Très Petite Entreprise

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